Expérience et langage dans la pensée de Georges Bataille


NOTES

































1 Cf.H.Bergson, La pensée et le mouvant, Alcan, 1934, p.101.

































2 A.Arnaud, Pierre Klossowski, Seuil, 1990, p.27. Cf. Cité de Dieu, t2, livre VI, ch.2.

































3 H.Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, Gallimard/Pléiade, p.1203.

































4 H.Meschonnic, Pour la poétique V/Poésie sans réponse, Gallimard, 1978, p.125 : sur la "clause" de "l'impossibilité du commentaire", Meschonnic critique une pseudo-expérience indicible. "Le langage de l'"expérience pure" ne peut pas en effet, être un méta-langage. Ainsi le plan où se situe le discours rend le commentaire impossible".)

































5 O.C. VI, p.283.

































6 Cf. Eckhart, où la Trinité et son exposition en raison n'est pas un simple habillage logique, mais condition d'expérience. Cf. La Trinité comme theologia circularis chez N.de Cues. Cf. Plotin : "Les démonstrations que nous faisons au sujet du principe sont en même temps des moyen de nous élever jusqu'à lui"(Ennéade I, 3, 3).

































7 O.C. V, p.218.      8 ibid., p.219.

































9 O.C. V, Le coupable, p.265.

































10 O.C. V, p.264. Cf. L'Expérience intérieure, p.40.

































11 O.C. V, L'Expérience intérieure, p.27.

































12 O.C. V, Méthode de méditation, p.213.

2 O.C. V, L'Expérience intérieure, p.108.

































13 O.C. V, Méthode de méditation, p.219.

































14 O.C. V, Méthode de méditation, p.219.      15 ibid., p.218.

































16 Cf. V.Descombes, Proust/Philosophies du roman, Minuit, 1987, p.92. De la technique de la rectification de la sensation et de l'illusion.

































17 O.C. V, p.569.

































18 Cf. O.C. V, p.272,273.

































19 La philosophie des formes symboliques/3. la phénoménologie de la connaissance, Minuit, 1972, trad. C.Fronty, p.349.      20 ibid., p.351. Cf.M.Loreau, La genèse du phénomène, Minuit, 1989, p.202.      21 ibid., p.352.

































22 E.Cassirer, Essai sur l'homme, Minuit, 1976, p.59.

































23 B.K.Matilal, Mysticism & Ineffability : Some Issues of Logic and Language, in Mysticism and Language, Ed. S.T.Katz, Oxford U.P., 1992.      24 ibid., p.145. Bhartrhari adopte une position radicale que nous rapporte Matilal : "He believed that as soon as a sensory reaction penetrates the cognitive level it also penetrates the linguistic level, though this does not mean that we always have to use explicit verbal constructions. Cognizing is "languaging" (sabdana) at some implicing level" (p.146).      25 ibid.,..."a private "sensation" language in particular".      26 ibid.,..."for obeying a rule, as Wittgenstein puts it, "is a practice", and therefore cannot be done privately".

































27 H.P.Alston, Literal and Nonliteral in Reports of Mystical Experience, in Mysticism and Language, op.cit.      28 ibid., p.90. "A phenomenal concept is a concept of the intrinsic qualitative distinctiveness of a way of appearing (looking, smelling...)" (...) "a physical-property sense". Le "phenomenal concept" est encore une manière de poser le primat de ce que Heidegger nommait "Vorbegriff", "pré-concept", ou "concept d'attente" consistant à la constitution du phénomène comme tel à un niveau infra-thétique : "ouvrir les yeux et accueillir les phénomènes comme ils se donnent" (M.Loreau, La genèse du phénomène, Minuit, 1989, p.277. Loreau précise le rôle "herméneutique" de la phénoménologie reposant sur son dévoilement d'un sens (celui de l'Etre) annoncé.      29 ibid., p.91.

































30 Cf. O.C. V, L'expérience intérieure, p.25.

































31..."une saisie non-linguistique des vécus en termes d'"a priori phénoménal" (A.Soulez, Vérifier et comprendre chez Wittgenstein, in Acta du colloque Wittgenstein, Collège International de Philosophie, juin 1988, p.222) s'expose à la critique wittgensteinienne du "phénoménalisme" et de son recours à l'ineffabilité. C'est par les "objets" que le langage est "amarré au monde" : d'emblée, pas d'expérience "pure", mais "la possibilité de la structuration du sens préalablement à la rencontre effective du donné au moment de la vérification" (ibid., p.218). L'ineffabilité, l'indicible, n'est pas une position condamnée de façon univoque par Wittgenstein; la négation de l'a priori phénoménal suggére l'attente et l'anticipation du donné effectif dans l'a priori du sens. L'intention en attente de remplissement est aussi "fantasme qui fait croire que l'événement est à l'état préformé dans l'intention" (ibid. p.227) qui, en tant que tel, doit s'effacer pour rendre au sens sa vérité. "L'épreuve de vérité est une épreuve de dé-subjectivation" (ibid.).

































32 Georges Didi-Huberman, La ressemblance informe ou le gai savoir visuel selon Georges Bataille, Macula, 1995, p.204.

































33 in Phénoménologie de la perception, Gallimard, 1945, p.386.      34 ibid., p.385.      35 ibid., p.388. "Entre l'explication empiriste et la réflexion intellectualiste il y a une parenté profonde qui est leur commune ignorance des phénomènes. L'une et l'autre construisent le phénomène hallucinatoire au lieu de le vivre".). "L'hallucination n'est pas une perception, mais elle vaut comme réalité, elle compte seule pour l'halluciné. Le monde perçu a perdu sa force expressive et le système hallucinatoire l'a usurpée" (ibid. p.394). Cf. p.392 : "L'illusion de voir est donc beaucoup moins la présentation d'un objet illusoire que le déploiement et comme l'affolement d'une puissance visuelle désormais sans contre-partie sensorielle". "L'existence du malade (...) s'épuise dans la constitution solitaire d'un milieu fictif" (ibid.).      36 ibid., p.395.

































37 Cf. G.Didi-Huberman, La ressemblance informe, op.cit., p.244. "Et ce dont elle [l'activité "cruelle, simulatrice, jubilatoire, terrifiée" de l'enfant] est exemplaire n'est autre qu'une mise en contact, le contact de la pensée avec l'image, l'embrassement ou l'emprise de la pensée dans l'image, le mouvement de la pensée vers son excès ou son accès archaïques, désarticulants, non "discrets", imaginaux" (p.245).

































38 O.C. V, L'expérience intérieure, p.28, et, p.29 : "Le silence est un mot qui n'est pas un mot et le souffle un objet qui n'est pas un objet...".

































39 cité par P.Klossowski, in Le simulacre dans la communication de Georges Bataille, Critique 195-196, op.cit., p.745.

































40 Cf. Aristote, Métaphysique, G, D; et Organon/Catégories. "Tout ordre a le caractère de rassembler" nous dit la physique aristotélicienne qui, au même titre que la logique, est un organon; un ordonnancement selon une typologie catégoriale. Le sujet (to upokeimenon) est substrat, lieu de l'hérétogénéité des forces en conflit; nature mouvante de la ulh, de l'eidoV, ou du sunolon qui compose en lui la matière et la forme. La substance première est ce qui n'est affirmé "ni d'un sujet, ni dans un sujet" (Catégories, II), nécessairement non contradictoire. L'universel (substance seconde) est univoque en ce qu'il réalise l'unité des forces contraires; il est monde que le sujet décide en le prédiquant. Les catégories distinguent ce qui est commun de ce qui ne l'est pas, ce qui est singulier de ce qui est universel. Elles sont irréductibles car leur ordre, leur cohérence hiérarchique dépend de leur stabilité et de leur permanence structurelles. Cette hiérarchie en abîme est, dans le langage de Bataille, cette composition irréelle qui produit le monde - un monde de reflets - dans la pensée indissociée du langage. Mais la composition voulue stable, la grammaire, est nécessaire : son rôle est économique, elle règle les rapports du sujet et de l'objet, du sujet à lui-même, dont l'ipséité est toujours menacée de dissolution. Le sens de la grammaire est de tenir éloignés accident et substance. L'instabilité du lien sujet-attribut serait la menace de la confusion, ou bien de la fusion, si se produisait la surestimation de l'incorporation du tout de la substance dans l'attribut d'essence et du tout de la quiddité dans la substance individuelle.

































41 O.C. II, p.62.      42 ibid., p.63.      43 ibid., p.60.      44 ibid., p.61.

































45 F.Marmande, Georges Bataille politique, P.U.L., 1985, p.47.

































46 P.Rousseau, Soleil-Oeil-Sanglot, in Gramma 5/Lire Blanchot, II, 1976, p.159.

































47 Cf. O.C. V, Le coupable, p.250. "Ce qu'on appelle substance n'est qu'un état d'équilibre provisoire entre le rayonnement (la perte) et l'accumulation de la force".

































48 in Mysticism and language, op.cit., p.151.

































3 Cf. O.C. VI, p.169-170. Platon, selon Fink, concevait la relation homme-dieux comme un jeu où l'homme était "un jouet du dieu, un paignion theon" (in E.Fink, Le jeu comme symbole du monde, trad. H.Hildenberg et A.Lindenberg, Minuit, 1969).

































49 O.C. V, p.279.

































50 O.C. V, p.294.

































51 O. C. V, p.388.

































52 O.C. V, L'expérience intérieure, p.157.

































53 P.Valéry, Oeuvres complètes, Cahiers II, Gallimard, Pléiade, p.1060.

































54 O.C. V, L'expérience intérieure, p.170.

































55 in op.cit., p.1060.

































56 S.Kofman, Nietzsche et la métaphore, Galilée, 1983, p.68.

































57 C.Normand, Métaphore et concept, Ed. Complexe, 1976. - Critique par exemple du topos de la métaphore organiciste et phylogénétique -.

































58 axe des associations "par ressemblance", des "associations par contraste" (Jakobson), dialectisé avec l'axe syntagmatique, du discours, approche combinatoire et distributive du langage. Cf.C.Normand, ibid., p.28. Cf. H.G.Gadamer, L'art de comprendre. Ecrits II. Herméneutique et champ de l'expérience humaine, Aubier, 1991, p.167, in "L'intuition et le visible"; dans la métaphore, l'intuition n'est pas "supprimée" mais "recréée". Cf.E.Kant, Critique du jugemen, 59.

































59 La présence d'image est avant tout image visuelle : c'est une scène. De là qu'en terme de figure, c'est l'hypotypose qui domine, ou la diatypose, nucléaire, si elle n'est pas dans certains cas étendue à tout le texte. Figures rhétoriques répondant aussi au désir de dramatisation, expressive (rhétorique du sujet, objectivation et témoignage d'affects) et impressive (valeur performative, et dans un sens auto-impressif à visée d'état hypnoïde). Rien d'étonnant à rencontrer des vers de Racine, pour qui l'hypotypose occupa un premier plan, dans les essais de Bataille. Il est certain que sur le plan du ton et de la lisibilité de l'image, les deux sensibilités communiquent. Du point de vue stylistique, Gilles Ernst (in Georges Bataille/Analyse du récit de mort, P.U.F. 1993) a développé d'importantes analyses de la grammaire et de la rhétorique batailliennes; rôles de l'image, stratégies graphiques ("les emplois techniques du soulignage" et sa valeur "sémantique et stylistique" (p.181)), usages de l'anaphore... Mais en filigrane se déroule l'autre procès, le mouvement d'une pensée, sous le mode (métaphorique, aspectuel) d'un chimisme des contenus.

































60 La ressemblance informe, op.cit., p.236.

































61 Cf. ibid., p.250..."elle [la régression] exigeait que l'on pense les conditions fondamentales d'une sorte de matériau d'image à quoi, nous dit Freud, la représentation (Vorstellung ) justement "retourne".

































62 E. Levinas, Totalité et infini, Nijhof, 1971, p.12.

































63 O.C. VI, p.170.

































64 Fink a comparé le jeu à un rêve éveillé (E.Fink, Le jeu comme symbole du monde, op.cit., p.137), écrivant du "monde ludique" que son "irréalité" lui donne accès à un "rang ontologique supérieur"; comme image, il n'est plus copie, mais symbole (p.132); comme image de l'être, il est "symbole du symbole" (p.152).

































65 G.Didi-Huberman, Devant l'image, Minuit, 1990, p.180. Force de manifestation "garantie par le rêve cerné de sommeil"...

































66 O.C. II, p.388.

































67 in Projet d'une conclusion à "L'érotisme", L'arc, 1990, p.88.

































68 fondée sur l'isomorphisme des structures. Cf.E.Gombrich, L'art et l'illusion/Psychologie de la représentation picturale, Gallimard, 1987, p.321...."l'art de la perspective vise à l'établissement d'une équation juste : l'image doit avoir l'aspect de l'objet et l'objet, l'aspect de l'image".

































69 O.C. V, L'expérience intérieure, p.137.

































70 O.C. V, p.138. Cf. concernant la position d'objet conquise dans l'ascèse, p.34. "L'ascèse est un moyen sûr de se détacher des objets : c'est tuer le désir qui lie à l'objet. Mais c'est du même coup faire de l'expérience un objet (on n'a tué le désir des objets qu'en proposant au désir un nouvel objet).

































Par l'ascèse, l'expérience se condamne à prendre une valeur d'objet positif".

































71 O.C. V, p.144.

































72 Nous entendons le symptôme comme effet de surface en ce qu'il actualise un événement refoulé réel, somatique ou psychique, comme parution d'une pseudo-totalité tentant de symboliser le manque à refouler et le déplacement/substitution d'une pulsion.

































73 Georges Didi-Huberman parle de "restituer au visuel sa valeur d'effraction, de symptôme" (in La ressemblance informe, op.cit., p.63), et de "l'altération et le déclassement de l'esthétique (qui appelle le goût) en esthésique (qui appelle désir, douleur, dégoût), et du symbole (partageable) en symptôme (intraitable)"(p.202).      74 ibid., p.61.

































H. Joly (in Le renversement platonicien, Vrin,1980) évoque un "langage votif" - "La réponse divine donne à la fois des mots et des forces... (...)...elle donne des mots qui sont des forces " - mais celui-ci ne résulte pas simplement de la performativité du mot d'ordre, de la locution de commandement. Nous admettons qu'à un degré pré-langagier de la parole, le mot, le nom jouent un rôle coercitif ou libérateur d'une force vocale. Si le projet de Platon est de "restituer aux mots un contenu perdu" suivant Joly, il s'agit aussi de rendre la force aux mots, et en cela de réintroduire une certaine qualité d'image, de l'ordre d'une force de présentation, et d'auto-présentation, au sein du mot, du nom, d'une parole articulée, enfin du sens. Ainsi, que signifie que le mot doive être "à l'image de l'essence" (...to proshkon onoma) ? Le mot comme l'image renvoie à une essentialité commune de la puissance votive.

































76 Cf. J-P.Vernant/P. Vidal-Naquet, Mythe et tragédie, II, La Découverte, 1981, p.25 : "Figures du masque en Grèce ancienne".

































77 F.Frontisi-Ducroux, Le Dieu-Masque/Une figure du Dionysos d'Athènes, La Découverte, 1991, p.10.

































78 Cf. E.Husserl, Logique formelle et logique transcendantale, trad. S.Bachelard, P.U.F. 1984 p.321. L'analogie entre deux expériences vécues ne peut encore relever d'une fusion, d'une compénétration. Mais le substrat de cette "communication" est un espace primitif, prélogique, de l'immédiation, et voué à des forces perceptives  : un monde de reflets révélant une primitivité de l'expérience non encore constituée en "monde d'objets". Cf. ibid., p.322.      79 ibid., p.323.

































80 Cf. E.Husserl, Philosophie première/II, trad. A.L.Kelkel, P.U.F., 1972. Quand bien même serait "déjà fondée" la perception du corps propre, l'empathie n'en serait pas moins cette "perception par interprétation originaire" (p.88), alors fondement et originarité de toute "perception" : ce qui se donne dans l'expérience (dans l'expérience de la "subjectivité étrangère") se donne toujours médiatement en regard de la donation originaire du Moi transcendantal, il n'en est pas moins vrai que l'originarité de la perception intersubjective peut être conquise dans l'expérience empathique... "Etre-donné originaire en ce sens et expérience sont une seule et même chose" (p.242). Le caractère primordial de l'empathie s'accuse dans le développement de sa fonction donatrice; s'agissant d'"intuitions intropathiques donnant une expérience de l'être en personne" (ibid).

































81 "Einfühlung" - empathie - est ce même concept que Paul Ricoeur, ou encore Jean-François Lavigne, avaient choisi de traduire par "intropathie".

































82 E.Husserl, Problèmes fondamentaux de la phénoménologie, trad. J.English, P.U.F., 1991, p.206. "J'aurais à dire ici ce qui suit : dans la conscience empirique d'image, fonctionne une apparition d'objet (Gegenstandserscheinung) (effective ou bien même simplement imaginaire (imaginativ), un objet-image (Bildobjekt) en tant que support de la relation analogisante au "sujet" ("Sujet") de l'image" (p.205).      83 ibid., p.95. Dans cette saisie, au "corps propre" s'opposent ces corps en tant que corps étrangers.

































84 J.English, ibid., p.293. Quand Bataille parle de l'intensité de l'expérience qui "élimine le doute" et où "l'on aperçoit ce qu'on attendait", l'attente et l'apparition qui lui est corrélative trouve un sens nouveau au regard de l'empathie. Ce n'est pas le poids de la "thèse contextuelle" - d'un concept "doxique" ou "comparatif" - présumant du contenu d'une expérience à venir, mais l'anticipation d'un contact intersubjectif, dans une intention vide, sous la forme d'une "intuitionnification" (ibid. p.265) imaginative devançant l'événement possible, dans une attente vide où communiquent deux sphères d'affects.). Dans ce "sentiment d'interpénétration réciproque" de deux egos se noue "la possibilité de leur rapprochement extrême" (ibid., p.294).

































85 Le "sentiment" que nous voyons investi d'une importance significative primordiale dans la pensée de Husserl fut au nombre de "Questions sur le fondement de l'éthique" in Vorlesungen über Ethik und Wertlehre, 1908-1914, Kluwer academic publishers, coll.Husserliana, 1988, p.418 : "1/ Si une éthique sans présupposition du sentiment (Gefühl) comme fonction fondamentale de la conscience est possible."

































86 Cf. E.Husserl, Le monde du présent vivant, trad. J-F.Lavigne, in La terre ne se meut pas, Minuit, 1989, p.94 "par la voie de l'intropathie exercée sur des oiseaux je comprends le vol, et j'ai par suite sous les yeux, en idéalisant, la possibilité idéelle d'un pouvoir-voler". Dans les termes, nous ne pouvons voir là qu'un "dépassement" de l'analogie stricto sensu. Identification et idéalisation constituent peut-être, sur un autre plan, les deux puissances de l'expérience. Quand Deleuze parle d'un phénomène de "désexualisation" lié à "la constitution du moi narcissique et la formation du surmoi" - où la libido est conservée, mais comme étant neutralisée, insensibilisée - il le confond avec "un processus d'idéalisation, qui constitue peut-être la force d'imagination dans le moi" et "un processus d'identification, qui constitue peut-être la puissance de la pensée dans le surmoi". Cf. G.Deleuze, Présentation de Sacher-Masoch, Minuit, 1967, p.117.

































87 N.Nicolaïdis, La théophagie/Oralité primaire et métaphorique, Dunod, 1988, p.85. "En résumant  : au commencement, il y a une force perceptivo-sensorielle qui préside à la relation mère-enfant; cette force provoque une précipitation du bébé vers l'objet du désir; on dirait que l'image de l'objet du désir aimante le bébé. Dans le pictogramme (P.Aulagnier) et dans le côté hiéroglyphique du langage (N.Nicolaïdis), il y a une sorte d'attraction permanente vers l'image des objets qu'ils représentent. Une durée excessive de cette force perceptive (aimantation vers l'image de l'objet du désir) freinerait toute élaboration représentative, à savoir la conversion de la perception-sensation en représentation (imaginaire-fantasme-parole)."

































88 selon également l'énoncé bataillien toujours double d'un rapport à l'objet; "j'ai pénétré par une vision..." et "l'objet m'atteint jusqu'à l'extase". Rapportons les développements de Nicolaïdis à propos de cette "force perceptive"..."nous pouvons émettre l'hypothèse que cette force naturelle et perceptivo-sensorielle réapparaît, dans toute sa fraîcheur, pendant le point culminant du vécu psychotique, c'est-à-dire pendant les moments où le sujet fonctionne en employant des défenses psychotiques. L'expression psychopathologique de ces défenses se traduit par un mécanisme que nous appelons imageant, qui se manifeste rarement par des hallucinations visuelles (régressions organiques ou toxiques) mais, le plus souvent, par des hallucinations auditives ou des idées délirantes.(...) Le mécanisme est donc imageant ou perceptif, ce que n'est pas forcément le contenu, dans le sens où ce mécanisme emploie la force perceptive qui s'impose au sujet (conviction délirante ou hallucinatoire).(...) La conséquence de la persistance de cette force perceptive apparaît dans les mécanismes des organisations psychosomatiques, en l'occurrence dans la pensée opératoire. En ce sens, la discordance entre représentant-affect et représentant-représentation chez les "opératoires" est due en partie à l'intensité de cette force. Cette discordance produira un préconscient mince, non fluide et inconstant (P.Marty). Le dysfonctionnement de ce préconscient défaillant dans son travail de liaisons-déliaisons-reliaisons, permet à la force perceptive de transmuer les représentants-représentations en "complexe de mots-perceptions" (M.Fain, 1985) et de geler les représentants-affects." (ibid. p.85-87.)

































89 La ressemblance informe, op.cit., p.80-81. Et, p.126, invoquant chez Bataille "un jeu de forme, un motif visuel qui pût conjoindre l'étal et l'écorchement, l'exhibition spectaculaire et le décharnement, qui n'est à tout prendre qu'une ouverture visuelle de l'intérieur des corps, leurs tréfonds dépliés, et donc la décomposition entière de leur "figure" vivable, close, familière".

































90 "Dans la représentation de l'inachèvement, j'ai trouvé la coïncidence de la plénitude intellectuelle et d'une extase", in O.C. V, Le coupable, p.261. Quelles questions doivent être posées dès lors que "connaissance" et "perte de connaissance extatique" s'équivalent ? "Etre", "substance", font place à l'"inachevé". "Il y a identité de l'objet et du sujet (l'objet connu, le sujet qui connaît) si la science inachevée, inachevable, admet que l'objet, lui-même inachevé, est inachevable" (ibid., p.260).

































# O.C. V, L'expérience intérieure, p.20.

































92 O.C. V p.21.

































93 O.C. V, p.11.

































94 O.C. V, p.267.

































95 O.C. V, p.214.

































96 G.Bataille, Projet d'une conclusion à "L'érotisme", op.cit., p.88.

































97 O.C. V, p.89.

































98 Cf. p.90. Est malgré tout recherchée "l'unité des perspectives multiples" résultant de "rapprochements judicieux".

































99 O.C. XI, Postulat initial , p.231. Cf. O.C. V, Méthode de méditation, p.218.

































100 O.C. XI, p.231.

































101 A l'excès de phénoménalité répond un excès de pensée; le concept et l'objet apparaissent en fonction d'une intensité culminante. Pour Nietzsche, "L'image et le concept naissent quand une force productive forme quelques stimulations données : fait une "apparition"" (in Fragments posthumes - printemps-automne 1884 - , op.cit., p.108). L'affect est la forme et l'état d'intensité simple dont l'évaluation, l'abondance ou la pénurie sont la condition de formation d'une pensée, d'une politique, d'une corporéité supérieures. L'économie des affects de Nietzsche va dans le sens d'une transfiguration et d'une conversion des affects antagonistes, de basse ou de haute tonalité, en "sentiments de force jaillissante"(cité par J.Sojcher, Nietzsche/La question et le sens/Esthétique de Nietzsche, Aubier Montaigne, 1972, p.55) s'élevant jusqu'à une simplicité, la simplicité du sommet et de l'instant. "Les concepts naissent en tant qu'images auditives qui rassemblent une multiplicité, d'images visuelles symboliques" (ibid., p.76) - dépendant d'une évaluation, d'un "tenir-pour-vrai au commencement!" (ibid., p.71, f.Fragments posthumes / Automne 1887-Mars 1888 , op.cit., p.29 : "la volonté de vérité en tant que volonté de puissance".), où le mot-source, ou l'image-source, est une sensation, et où l'intellection qui en fait la vérité est aussi une sensation tirée d'un domaine d'affects, et qui s'objective. La contestation bataillienne est en elle-même une faculté de représentation; elle appartient encore au plan de l'expérience, semblable à l'impulsion nietzschéenne qui "s'objective" en retournant sur soi, servant le procès de la rectification des sensations et des affects qui conduit à la totalité de l'instant où surgit l'unité de sens et de pensée. Quel lien entre l'affect et la "force productive" (de formes), ou une "explosion de force" (Fragments posthumes - printemps-automne 1884 - , op.cit., p.77 : "Volonté ? Ce qui a proprement lieu dans tout sentir et tout connaître est une explosion de force : sous certaines conditions (intensité extrême de sorte qu'un sentiment agréable de force et de liberté naît dans le même temps) nous nommons cette façon d'avoir lieu "vouloir".") ? "L'action qu'exercent les pensées l'une sur l'autre (dans le domaine logique) est une apparence - il s'agit d'une lutte des affects" (ibid.). Sojcher déclare que, pour Nietzsche, "derrière toutes ces formes se cache le mouvement indivis de la mise en forme, la force qui toujours se répète semblable à elle-même, infinie, traversant et organisant toute finitude" (in op.cit., p.46). Cette force formatrice ne peut être la preuve ni d'une subjectivité ni d'une objectivité; elle le "ruissellement" bataillien qui unifie toute existence parcellaire, séparée.

































102 O.C. I, L'apprenti sorcier, p.526.

































103 G.Didi-Huberman, La ressemblance informe, op.cit., p.83.      104 ibid. p.141.

































105 Cf.G.Wehr, Jakob Böhme, in Cahiers de l'Hermétisme, Albin Michel, 1977, p.75-76. Le "centrum naturae" de Böhme et de Baader rappelant le Weltinnenraum de Rilke auquel conduit une inversion du regard.

































106 O.C. V, p.390-391.

































107 Cf.H.Damisch, Du mot à l'aspect, in Georges Bataille après tout, Actes du Colloque, Belin, 1995. Et R.Gasché, L'avorton de la pensée, L'Arc, 1990, p.14) : "Ces décisions capitales, Bataille les appelle aspects, par opposition aux mots : ils introduisent les "valeurs décisives des choses". (...) En tant qu'image, l'aspect substitué au mot "représente" (ou indique) une valeur décisive et cachée. Le marquage des processus par ce que l'on désigne comme étant dans le langage - en grammaire - l'aspect des verbes, sont des "aspects" encore trop éloignés de la "présence" (d'actions, de procès), dépendants de règles de grammaire, et de la conjugaison, qui ne sont pas supposées être pour Bataille des règles d'expérience. H.Damisch note "que Bataille ne parle nulle part du fruit, ni des graines que porte la plante, la fleur une fois fanée" (p.95), parce l'"aspect" est aussi désignation de mouvements. P.97, H.Damisch remarque le privilège des mouvements (vers le haut, vers le bas, "érection et grouillement latéral"). Ces mouvements sont la contradiction en acte, la contradiction vivante, dans la contiguité exemplaire de l'épanouissement et de la méditation, dans le mouvement paradoxal de la déhiscence (cf. O.C., V, p.265). En effet, les mouvements de l'hétérologie "en acte" appartiennent aux choix obscurs du vivant... Et ces aspects sont figurations de tendances, des mouvements d'extase, aspect du "tourbillon qui te compose" et du ruissellement qui nous liquide.

































108 R.Char, Partage formel, in Fureur et mystère, Gallimard,1967, p.65.

































109 O.C. V, p.379.

































110 La saisie d'un objet est rendue possible par sa représentation, où l'imagination a pouvoir de susciter le contenu objectif et de lui associer d'autres déterminations, ainsi que depuis l'intuition d'un objet, l'on peut évoquer l'image d'un autre objet lié au premier.

































111 in op.cit., livre III, §12, p.120.

































112 B.Susini, ibid., p.263.

































113 Cf. H.Maldiney, Regard parole espace, L'Age d'Homme, 1973, 1994, p.136. "Erwin Straus nomme moment pathique cette dimension intérieure du sentir, selon laquelle nous communiquons avec les données hylétiques, avant toute référence et en dehors de toute référence à un objet perçu". Cette intériorité du sentir suspend originairement la stabilité de la polarité sujet-objet.

































114 O.C. V, p.380.

































115 O.C. V, p.381.

































116 Cf. J-P.Vernant, op.cit., p.244-247.

































117 Ducrot et Todorov,Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Seuil, 1972, p.207.      118 ibid., p.252.

































119 O.C. V, L'expérience intérieure, p.175.

































120 Cf.E.Panofsky, La sculpture funéraire/De l'ancienne Egypte au Bernin, Flammarion, 1995, p.67. ..."la représentation au vif, à savoir l'image de la personne entière (le totus homo d'Erasme), paré comme l'exige son état et sa dignité et non affecté par la décomposition, était opposée à la représentation de la mort (normalement baptisée transi), image du corps mort couvert tout au plus d'un linceul et réduit à l'état de squelette ou laissant apparaître les traces effroyables de la putréfaction".

































121 O.C. VI, Sur Nietzsche, p.167.

































122 O.C. V, L'expérience intérieure, p.147. Il y a dans ce vaguement toute l'inhérence irréelle, hallucinatoire, et néammoins d'une force excessive, de la "forme rêvée" prenant corps.

































123 O.C. V, p.479.

































124 O.C. V, p.480.

































125 O.C. V, p.58.

































126 O.C. V, p.59. P.Reymond a fait remarquer la présence d'un terme hébraïque dans l'Ancien Testament : en, pouvant désigner à la fois : source, eau, pluie, urine, sperme, larmes, ainsi que, plus occasionnellement : mer, abîme, étang / in L'eau, sa vie, et sa signification dans l'Ancien Testament, (Thèse n°480) Leiden, E.J.Brill, Faculté autonome de Théologie de Genève, 1958, p.256).

































127 O.C. I, Chevelures, p.496. Les chevelures expriment une précipitation de la pensée hors de soi. Cheveux, racines et rayons, qu'évoquait Blake dans le Livre d'Urizen  : "Les cheveux sont les rayons célestes, les racines par lesquelles descendent en l'homme les énergies divines".

































128 M. Loreau, La peinture à l'oeuvre et l'énigme du corps, Gallimard, 1980, p.15.      129 ibid., p.16. Cf. les pensées de Marcel Duchamp, ou de Josef Beuys, où les forces (l'électricité, l'hydraulique...) répondent de l'activité humaine, de sa propre énergétique dont les manifestations physiques sont les seuls symboles.      130 ibid. p.41.      131 ibid., p.74.      132 ibid., p.75.

































133 S.Mallarmé, Oeuvres complètes, Gallimard, Pléiade, 1945, p.53.