les grondements
Cochonfucius vu par Stéphane Cattaneo








Cette intervention est un exemple
du style de Io Kanaan quand il se prend pour un poète.



Tout autour de mon lit j'entends bruire à présent
Le peuple des démons s'ébattant dans la nue
Clarté de leur phosphore ou d'un corps plus luisant
La balance du monde à leurs griffes tenue

Au jardin caillouteux ne vient aucun printemps
Pas un oiseau chanteur n'offre sa voix charmante
Nulle touche de vert depuis assez longtemps
Que des petits démons folle troupe dansante

Au son des grondements menaçants guère n'a
De repos le dormeur contemplant cette image
Le soleil n'est pas rouge il est plutôt grenat
Il semble se montrer du fond d'un marécage

Des cent démons hurlants il entend les appels
Et les malédictions que ce soir ils chantèrent
Dans un psaume effrayant où leur maître immortel
Prononce le déclin et la fin de la Terre

* * * * *


      





Un dizain

Je compose un dizain pour l'offrir en présent
A quiconque y verra, le temps de sa lecture,
L'occasion d'une halte. Or, la littérature
Passe pour rechercher les effets reluisants
En faisant émerger de charmantes images ;
Mais c'est aussi un lien vers le vide éternel
Où gît notre inconscient, comme dans un nuage :
Sans forme, sans motifs, sans aveu, sans appel.
Et quand viendra la fin de notre vie sur Terre,
Disons ces quelques mots que nos souffles chantèrent.








Noailles voit une théologie négative

Adam ne parle plus à Dieu
Depuis qu'il a mangé la pomme 
Dans ce silence, il parvient mieux
À cerner sa condition d'homme.

Dieu, taciturne également,
N'est point mécontent qu'on l'isole.
Narrer une histoire qui ment
Serait gaspiller sa parole.

Homme et dieu ont compris, d'instinct,
Que, pour que leur jeu reste probe,
Il va falloir que, sans dédain,
Chacun d'autonomie s'enrobe.

Ne plus dire le nom sacré,
Ne plus répondre à des « je t'aime »;
L'homme, se sachant ignoré,
Peut faire des lois pour lui-même.

C'est à ce prix qu'il se dépasse
Au travail et dans ses loisirs,
Qu'il devient maître de l'espace,
De sa vie et de ses désirs.
                          Hugo voit de l'amour

Homme qui d'amour s'enivre
Se croit plus heureux qu'un roi ;
À la fin, l'amour le livre
À des tourments, croyez-moi.

L'inspiration allumée
Au fond de ce coeur subtil,
Est ainsi qu'une fumée :
Regardez, qu'en reste-t-il ?

Chaque rime, à peine éclose,
Touchant le papier terni
Pleure le destin des roses
Et de la vie qui finit.

De ce vieux fils d'une femme,
Combien long fut le séjour
Pendant tout lequel son âme
Se plongea dans ses amours !

Ayant vécu sans rien craindre,
Il ne craint pas de souffrir.
Ses forces peuvent s'éteindre ;
Il ne craint pas de mourir.