Tout autour de mon lit j'entends bruire à présent Le peuple des démons s'ébattant dans la nue Clarté de leur phosphore ou d'un corps plus luisant La balance du monde à leurs griffes tenue Au jardin caillouteux ne vient aucun printemps Pas un oiseau chanteur n'offre sa voix charmante Nulle touche de vert depuis assez longtemps Que des petits démons folle troupe dansante Au son des grondements menaçants guère n'a De repos le dormeur contemplant cette image Le soleil n'est pas rouge il est plutôt grenat Il semble se montrer du fond d'un marécage Des cent démons hurlants il entend les appels Et les malédictions que ce soir ils chantèrent Dans un psaume effrayant où leur maître immortel Prononce le déclin et la fin de la Terre * * * * * |
Un dizain Je compose un dizain pour l'offrir en présent A quiconque y verra, le temps de sa lecture, L'occasion d'une halte. Or, la littérature Passe pour rechercher les effets reluisants En faisant émerger de charmantes images ; Mais c'est aussi un lien vers le vide éternel Où gît notre inconscient, comme dans un nuage : Sans forme, sans motifs, sans aveu, sans appel. Et quand viendra la fin de notre vie sur Terre, Disons ces quelques mots que nos souffles chantèrent. |
Noailles voit une théologie négative
Adam ne parle plus à Dieu Depuis qu'il a mangé la pomme Dans ce silence, il parvient mieux À cerner sa condition d'homme. Dieu, taciturne également, N'est point mécontent qu'on l'isole. Narrer une histoire qui ment Serait gaspiller sa parole. Homme et dieu ont compris, d'instinct, Que, pour que leur jeu reste probe, Il va falloir que, sans dédain, Chacun d'autonomie s'enrobe. Ne plus dire le nom sacré, Ne plus répondre à des « je t'aime »; L'homme, se sachant ignoré, Peut faire des lois pour lui-même. C'est à ce prix qu'il se dépasse Au travail et dans ses loisirs, Qu'il devient maître de l'espace, De sa vie et de ses désirs. |
Hugo voit de l'amour
Homme qui d'amour s'enivre Se croit plus heureux qu'un roi ; À la fin, l'amour le livre À des tourments, croyez-moi. L'inspiration allumée Au fond de ce coeur subtil, Est ainsi qu'une fumée : Regardez, qu'en reste-t-il ? Chaque rime, à peine éclose, Touchant le papier terni Pleure le destin des roses Et de la vie qui finit. De ce vieux fils d'une femme, Combien long fut le séjour Pendant tout lequel son âme Se plongea dans ses amours ! Ayant vécu sans rien craindre, Il ne craint pas de souffrir. Ses forces peuvent s'éteindre ; Il ne craint pas de mourir. |