encore un sonnet
Cochonfucius vu par Stéphane Cattaneo








Cette intervention prend la forme d'un sonnet.

S'agit-il d'un sonnet nocturne ? Peu importe.

la sérénité

C'est vrai qu'il est serein, le moral des bouddhistes,
Dans leur grand Véhicule ou bien dans le petit,
A porter leur fardeau leurs coeurs ont consenti,
Ils ne sont pas pourtant devenus fatalistes.

Ils restent souriants lorsque leur vie est triste,
Ils voient de la couleur sur un mur qui est gris.
Il peut leur arriver de se montrer épris,
Mais aux attachements de la chair, ils résistent.

Ils ont compris d'où vient l'éternelle souffrance,
L'impression de non-sens, de peur, de déshérence,
Tout ce qui nous retient de nos malheurs captifs.

Ils savent qu'un aveugle, en sa grise misère,
Peut sentir que sa peau est baignée de lumière ;
Ses yeux ne la voient pas, ils ne sont pas fautifs.


   Le maître répond à un poète

Ne crois pas la sirène aux futiles passions.
Admire la danseuse et ne va pas chez elle ;
Ne suis pas le hibou que la lune ensorcelle,
Et défends-toi, surtout, par des imprécations.

Si de rien n'ont servi, pourtant, ces précautions,
Attends donc le retour chez toi des hirondelles :
Tu sais qu'à ta maison elles seront fidèles,
Te portant chaque fois cette douce émotion.

Elle est encore loin, elle adviendra, pourtant,
L'éclosion, au jardin, de ce nouveau printemps
Qui te ranimera de sa tiède lumière.

En attendant ce jour, compose des sonnets
Sur ta lyre de fou, comme tu t'y connais,
Pour que vienne plus tôt la clarté printanière.




cendres du volcan


Vers le soir

Le soleil du volcan trace des rayons noirs,
La pie en sautillant lance un cri de menace.
Un nuage pluvieux près de l'horizon passe,
C'est le déclin du jour, pas encore le soir.

Le chat reste au jardin mais ne veut pas s'asseoir,
Il ne poursuivra pas la jacassante agasse.
La rose en fin d'été est languissante et lasse,
Ses pétales au sol ont commencé à choir.

Je lève mon godet, je trinque au soleil sombre,
Car dans fort peu d'instants il dormira dans l'ombre,
Et je commencerai mes travaux de la nuit.

Travaux sans grande ampleur, ma vie n'en a aucune,
Au destin sur ce point je n'ai nulle rancune,
Vivre modestement, c'est beaucoup moins d'ennuis.


   Une instruction silencieuse

Bouddha ne parle pas. Chaque fois qu'un adepte
Dit qu'il l'a entendu, sache qu'il a rêvé.
Si ce disciple danse en disant « J'ai trouvé »,
Il est dans les erreurs de notre monde inepte.

Cette vie est errance, et ne suit nul précepte.
Exode avec fardeau, et nos pieds entravés,
Aussi, ne marche plus. Laisse-toi dériver
Et n'entre qu'en maison qui ta visite accepte.

Bouddha ne parle pas. C'est pourquoi l'excellence
De la compréhension se voit dans le silence,
Comme, au fort du combat, se taisent les lutteurs.

Bouddha ne parle pas. Mais le vent, parfois, chante
Pour rendre la froidure, au matin, moins méchante,
Pour donner un sourire, aussi, à l'instructeur.