encore un sonnet
Cochonfucius vu par Stéphane Cattaneo








            Cette intervention prend la forme d'un sonnet.

            S'agit-il d'un sonnet nocturne ? Peu importe.

les douze animaux

Le rat me garantit qu'il rongera la cage
Où je suis prisonnier ; le boeuf veut bien tirer
La charrue dans mon champ, le tigre déchirer
Pour mon profit la peau d'un ruminant sauvage.

Le lièvre me rapporte une fleur du bocage,
Le dragon, des trésors qu'on ne peut qu'admirer.
Le serpent vient danser afin de m'inspirer,
Le cheval me conduit dans un bel attelage.

Le mouton me procure un vêtement de laine,
Le singe a dégotté une bouteille pleine,
Le coq fait retentir son clairon dans le soir ;

Le chien pose sur moi son doux regard fidèle,
Le cochon me fait rire en draguant l'hirondelle,
Puis les douze animaux s'en vont à l'abattoir.


douze animaux

le cochon et l'hirondelle

L'hirondelle appela le cochon au parloir,
Pour qu'il eût l'occasion de déclarer sa flamme.
Le cochon n'osait pas (timide était son âme,
Il n'était pas du genre à se faire valoir).

Enfin, il accepta, dans l'ivresse d'un soir
Où le soleil couchant, dans des lueurs de drame,
Empourprait les abords des bistrots de Paname,
Faisant rougir la bière et saigner les miroirs.

Le cochon s'avança pour prendre la parole,
Et, devant ses amis (beaucoup de gens frivoles),
Fit sa déclaration, qu'il grava sur un mur.

Aux abords de son nid se tenait l'hirondelle.
Une douce émotion faisait frémir ses ailes.
Un silence survint, insondable, et très pur...


         ce qui nous fit vibrer

      Ce qui nous fit vibrer ce fut vivre hors la loi
      Plutôt dans une loi qui n'était que la nôtre
      Indifférente aux voix des unes et des autres
      Déjà nous récitions nos articles de foi

      Et ce passé dès lors nous file entre les doigts
      De cette transgression ne serons plus apôtres
      Vous tous qui nous lirez cette histoire est la vôtre
      Si vos coeurs ont erré follement quelquefois

      La sauvage passion n'est pas pour un Cochon-
      fucius qui a les doigts rivés à sa galère
      Ses pauvres libertés de longtemps s'en allèrent

      Tu diras ce sonnet n'est pas trop folichon
      Je n'avais qu'un ciel gris ce jour devant mes yeux
      Et je ne prétends point aller vers d'autres cieux





le cochon et le dictionnaire

Un cochon, par hasard, trouvant un dictionnaire,
Lut, pour se divertir, le sens de chaque mot.
Ce n'était point, dit-il, au pouvoir d'un chameau !
Mon potentiel, vraiment, est révolutionnaire.

Si je passe un concours, je serai fonctionnaire,
Pas question que l'on morde à mes deux jambonneaux,
Ainsi que fut Gollum au Seigneur des anneaux,
De bestiau je deviens un humain débonnaire.

Le paysan survient, et son couteau pointu,
Et dit à son cochon : il est temps, le sais-tu,
Que ta chair soit pour nous de bonne nourriture.

Le cochon lui répond, d'un ton plein de douceur,
Qu'il est fier de nourrir ses frères et ses soeurs,
Partageant avec eux sa si vaste culture.


   l'aigle et le cochon

Un aigle à un cochon inculquait sa morale.
« Compagnon, quand le jour m'accorde du loisir,
Je chevauche le vent, je m'élève à plaisir,
J'admire la lumière australe et boréale ;

Mais toi, vautré toujours dans l'humide et le sale,
Ainsi qu'un fruit trop mûr tu te laisses croupir...
Quand je pense à cela, il me vient un soupir. »
« Allons, dit le cochon, ma personne est vassale

Et vers le firmament ne prend pas son essor ;
Mais tu ne devrais pas t'inquiéter de mon sort,
Ni pleurer mes malheurs aux accents de ta lyre.

L'homme est mon protecteur. Paisible est mon esprit,
L'homme abrite mon corps, me lave, me nourrit,
Et, pour mon dernier jour, m'accorde le martyre ! »





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