Les entrailles de l'inframonde






quelqu'un pourrait allumer ?              Cochonfucius se rendit dans le sous-sol de l'inframonde obscur, et aussi dans une région clandestine et sombre. On y trouve les figures anthropomorphes et mystérieuses, les anti-jôles qui rigolent, les chronotomes réversibles, les thanatoplectres d'ancien style, les chevaux bivalves, les analyseurs d'oublis, les administrateurs du loisir mercuridien, les affadisseurs de condiments, les tentateurs d'ermites, les fourbisseurs d'atomes, les promoteurs de la culture vivante, les hurleurs de strophes, les charmeurs de bourrasques, les annotateurs de romans, les évaluateurs de cerises, les accordeurs de cruches, les retoucheurs de momies, les spécialistes des auscultations paraboliques, les finisseurs de haricots, les buveurs de torrents, les collectionneurs d'engrenages, les tireurs de lettres, les adresseurs de drapeaux, les personnages de tableaux flamands, les crabes à pulpe, les marcheurs sans empreintes, les animaux dont les noms sont des anagrammes du mot bestiaire et forment des acrostiches, les inventeurs de tabous, les enrouleurs d'arabesques, les siffleurs de banque, les poux des forges obscures, les beffrois-lionnes, les puristes des sables, les marchands de douleurs, les dévoreurs de gants de laine, les allumeurs de psychoses, les distributeurs d'alexandrins, les ustensiles qui parlent, les bashi-bazouks, les ânes volants, les reptiles chantant des airs bretons d'une époque lointaine, les monophysites malveillants, les comparateurs d'anatomies, les abeilles gaspilleuses, les authentificateurs de racontars, les pour la route, les noyeurs de cascades, les émietteurs de barrages, les embellisseurs de filtres, les pentacéphales chauves et les dahuts-licornes frénétiques. Les habitants de l'infra-monde se rassemblent par milliers et se partagent des épluchures comestibles. Cette coutume alimentaire a d'énormes inconvénients à long terme, mais les animaux du sous-sol de l'inframonde vivent et raisonnent dans le court terme.


Devant Cochonfucius, des obstacles se dressent : puisque dans l'inframonde, les choses n'apparaissent pas sous leurs couleurs véritables, et les humains ne parlent pas en leur langue authentique, son moral est tout sauf intact. Mais avec de la patience, il s'acclimate. Il découvre un cours d'eau souterrain, dans lequel un poisson se montre fort bavard.

Il se tient sur une place de village. Une baleine gigantesque lui propose à bon prix d'imposantes quantités d'épluchures comestibles. Il fait tous ses efforts pour refuser. Finalement, un jeune juge en bois brut emporte le lot, pour offrir un cadeau à un anthropomorphe.


Le maître avance encore jusqu'au village le plus septentrional de ce secteur. Ayant appris le dialecte inframondial du Nord, il parvient à trouver sa place dans cette minuscule population installée au bout de l'inframonde. Certes, les villageois sont davantage accoutumés à recevoir des visites démoniaques, mais la présence d'un sage rabelaisien ne déplaît finalement pas.

Par temps calme, l'hiver est déjà éprouvant à ces hautes latitudes, mais lorsqu'il se déchaîne, le vent glacial menace parfois d'emporter la cahute du cochon anthropologue. C'est dans ces occasions que les liens avec les villageois se resserrent. C'est aussi en apprenant la capture des petits succubes à l'épuisette, et des succubes corpulents au collet. Cochonfucius n'affronte pas lui-même de succube grandiose, mais assiste au retour d'une telle chasse et en garde un fort souvenir.

La nuit inframondiale est la période des visites, donc de la conversation et des récits. Mais, si la lune souterraine brille, un peu de chasse est encore possible. Une partie de la population met à profit ces mois sombres pour pratiquer un art artisanal. Les anciens instruisent les jeunes, non sans faire usage de quelques plaisanteries littéraires. Le non-solstice d'hiver, différent du « Noël » qu'on trouve un peu partout, est une fête simple et chaleureuse.

Le non-retour du soleil est l'occasion d'une joyeuse absence de cérémonie, avec des chansons silencieuses, des courses d'immobilité en tous sens, et des friandises bien immondes. Au non-solstice estival, on hisse une absence de drapeau pour la non-fête nationale de l'inframonde septentrional (autonome depuis trente mille ans). Chaque non-fête est l'occasion de créer des désaccords, or les non-fêtes sont si nombreuses que les conflits entre villageois s'accroissent prodigieusement.

Les jours ordinaires sont principalement consacrés à construire des épanadiploses, à se procurer dans la nature ce qu'il faut pour survivre et à éduquer les succubes. Lorsque les villageois ont l'occasion de séjourner dans les parties moins sauvages de l'inframonde, ils sont désemparés, trouvant que l'existence y est pleine de temps morts, autrement dit, d'attentes passives. Sur leur territoire, au contraire, ils sont constamment en dialogue avec leur écosystème. Cochonfucius partage cette sensibilité, qu'il a acquise en faisant des efforts quotidiens.

Il note mille détails instructifs et pittoresques. La vie dans un village traditionnel n'est possible que grâce aux solides qualités humaines qu'entretiennent tous ses habitants. C'est une vision instructive et réconfortante, qui offre une ample matière à méditation et à réflexion.

Puis le Maître traverse un terrain de chasse. Il observe un élevage de monstres. Les gardiens affirment que les animaux sont un don du Ciel auguste, qu'il faut parfois restituer. Cochonfucius se demande ce qu'en penserait le Religieux de la Montagne de l'Est. Puis il continue son parcours souterrain.

Il voit une école où l'on apprend à des chauves-souris à voleter dans les sanctuaires en criant Vivat rex in aeternum en prévision d'un sacre royal. Il rencontre des braconniers repentis. Il capture des captureurs. Il admire l'équilibre des populations végétales et animales, et les autochtones lui sont de bon conseil dans ce contexte.

Après l'école des chauves-souris, il voit celle des catoblépas mauves, où ils sont dressés à transformer un gros fruit en fausse tête parlante.

Toutes ces péripéties sont reproduites dans les pages centrales du Livre des Flammes. Le maître les y avait d'ailleurs lues, ce qui restreignait l'intérêt de son exploration en cours.