la gravitation quantique
Le concombre masqué vole à bord d'une enclume Pour aller récolter la pomme d'arc-en-ciel. Fort de cette mission (qui n'a rien d'officiel) Il recrute un chou-rave et plein d'autres légumes. Noire comme l'enfer soit l'encre de ma plume Pour narrer du héros les exploits démentiels ! L'arc-en-ciel, béni par un sort providentiel, Portait un fruit cent fois plus gros que de coutume. Lorsqu'il eut embarqué la pomme gigantesque, Le concombre sourit, car sa mission est presque Accomplie, le butin est presque acheminé. Mais dans un grand virage, il dérape, il capote, L'enclume en marmelade et la pomme en compote Sur Newton que Gotlib venait de dessiner. * * * Une expédition spatiale Dans un petit album au dos de percaline, Des photos d'univers multidimensionnels, Un vrai poème optique et gravitationnel : Si c'est d'un architecte, il est sous mescaline. Assis dans mon grenier qui sent la naphtaline, Je parcours, d'un regard omnidirectionnel, Ce recueil de clichés vraiment exceptionnels : Et bientôt, je franchis le mur de cornaline Qui tient lieu de frontière aux mondes transcendants. Et, dès lors, entouré des fiers astres chantants, Je me baigne au cristal qui vibre et me transporte. Soudain, ces clairs sentiers redeviennent obscurs : Me voici à nouveau de ce côté du mur, Car il faut que je signe un papier qu'on m'apporte. |
La planète ignorée
Derrière le soleil se cache une planète Qui, par rapport à nous, tourne en opposition. Elle abrite un état de civilisation Marqué par la douceur et le sens de la fête. Comparés à ceux-là, nous sommes un peu bêtes. Ils rient facilement, à notre évocation ; S'ils débarquent chez nous pour une exploration, C'est surtout l'occasion de se payer nos têtes. Quand ils rentrent chez eux, leur fusée fait escale Sur Vénus, une étape humide et tropicale ; Des reptiles géants peuplent ce monde vert. Une fois qu'ils ont fait le tour de nos problèmes, Ces voisins ont choisi de laisser à eux-mêmes Les malheureux Terriens, honte de l'Univers. |
la tartine et le chat
Un savant, chaque soir, testait une tartine Qui, selon les décrets d'un sort qui s'obstinait, Tombait sur le côté que l'homme tartinait. Or, cette observation n'était que de routine. Soudain, dans son esprit, deux notions s'agglutinent. Du coup, il décida : s'il se déterminait A fixer sur le dos de son petit minet Ce fameux bout de pain, la nature mutine Ferait-elle tomber le félin à l'endroit (Ainsi déjouée par notre montage adroit) Ou, le chat pieds en l'air, au sol la confiture ? Depuis longtemps, ce chat est en lévitation, Car il ne sert à rien, par des provocations Dans l'expérimental, de forcer la nature. |
un air de propriétaire
Un seigneur d'autrefois aimait les enclosures. Nul château que le sien n'eut plus forte paroi, Pas même les donjons que construisit le roi ; C'est ma propriété, dit-il, je la veux sûre. Pour découvrir toujours des substances plus dures, Auprès d'un alchimiste il engagea sa foi, Lequel passait son temps à rechercher les lois Par quoi l'on peut contraindre et forcer la nature. Un beau jour, le savant inventa un cristal Où le château fut mis comme dans un bocal ; De son air, le seigneur devint propriétaire. C'est mon air, c'est mon air, rugit-il d'un ton sourd ; Mais il ne parvint pas ainsi au bout d'un jour, En fin d'après-midi, on le vit mort, par terre. |