le noircissement des pages
-- Pages qu'ici et là j'ai voulu mettre en ligne, Qu'apportez-vous au monde ? -- Oh, rien de très nouveau, Nous ne présentons pas de superbes travaux, Nous sommes d'attention distraite, à peine dignes. Mais pourquoi ton papier à la blancheur de cygne Doit-il être marqué du noir de ton stylo ? Tes vers de chaque jour, tu les vends au kilo ? Dans une librairie, au public tu les signes ? -- Je ne vends pas de texte et je ne me vends pas ; Un air souvent me vient quand je fais quelques pas, Auquel, à l'occasion, j'assemble des paroles. J'écris comme un taulard qui ne dort pas la nuit, Comme un vieux boulanger pendant que son pain cuit, Comme un petit enfant qui s'ennuie à l'école. * * * Inconnaissable C'est une fleur et non, ça ne peut en être une, C'est un léger brouillard et ce n'en est pas un. Ça vient sur la minuit, c'est parti le matin, De telle chose, au monde, il n'en existe aucune. Le reflet de ses yeux renvoyé par la lune, La chaleur de son corps imprégnant les embruns ; Un poète chinois la découvrit soudain Après quinze godets d'un fort alcool de prune. Il chante un empereur et son noble veuvage, Sa muse le transforme en un barde sauvage ; Il compare les dieux à de grands animaux. Il parcourt Lao-Tseu mais, ce faisant, il pense Que si les grands parleurs le sont par ignorance, Pourquoi le maître a-t-il tracé cinq mille mots ? |