encore un sonnet
Cochonfucius vu par Stéphane Cattaneo








Cette intervention prend la forme d'un sonnet.

S'agit-il d'un sonnet nocturne ? Peu importe.


improductif

Avril a déployé sa force lumineuse,
L'aile du noir corbeau se transforme en miroir
Et les verts marronniers vibreront jusqu'au soir
Du doux frémissement d'abeilles butineuses.

Loin du travail pesant, loin des fêtes ruineuses,
Je sors un papier blanc du fond de mes tiroirs
Et trace quelques vers, ou brèves de comptoir,
Evitant les notions par trop vertigineuses.

Le chat dans mon jardin se recueille, immobile :
Je sais qu'il a pour ça un bien vilain mobile,
Que plus d'un vieil oiseau également connaît.

Aux murs de mon bureau somnolent mes vieux livres,
Et pas un seul d'entre eux sa science ne délivre :
Dimanche à ne rien faire, ou tout juste un sonnet.


* * *


le dimanche des rameaux

Vient le jour des rameaux, je me change en rimeur,
Ma muse, cependant, n'en fout pas une rame.
Elle dort, à l'écart des succès et des drames,
Et du monde agité n'entend pas les clameurs.

Je serais prêt, bien sûr, pour sauver mon honneur,
A prêter une main ou l'autre à vos programmes ;
Mais ce, du bout des doigts, et sans la moindre flamme,
Comme en ma vieille église un paresseux sonneur.

Car ce jour des rameaux est fait pour les ramiers,
Je l'ai toujours pensé ; et si vous m'en blâmiez,
Je resterais perché, tranquille, sur ma branche.

Demain je bosserai, c'est moi qui vous le dis,
Avec le bel entrain qui sied à un lundi ;
Aujourd'hui laissez-moi somnoler, c'est dimanche.


un coeur oisif

Qu'il fait bon ne rien faire au long des jours d'été !
Soit que le ciel s'attriste, ou bien qu'il s'ensoleille,
Soit que l'esprit s'agite, ou bien qu'il s'ensommeille,
Que le corps soit assis, ou sur ses pieds planté.

Moins de dossiers à voir, d'affaires à traiter,
Je peux dans mon jardin observer les abeilles
Ou me désaltérer du nectar de la treille,
Cultivant ma langueur et mon oisiveté.

Oisif aussi sera ce qui me sert de coeur,
Mais je n'y songe pas avec trop de rancoeur,
Doux comme la passion en seront les vestiges.

Restent trois mots écrits, rangés dans un tiroir,
Reste un peu d'émotion dans la douceur du soir,
Et parfois, dans la nuit, un semblant de vertige.


* * *


      Décennies

      Est-ce la même voix, est-ce la même peau ?
      De mon corps vieillissant, que puis-je encore attendre ?
      Même si à fort peu de charme il peut prétendre,
      Certains jours, il advient qu'il soit frais et dispos.

      Il a bien plus souvent besoin de son repos,
      Mais je vois qu'il a tant de plaisir à le prendre...
      Ce qui est bon pour lui, comment le lui défendre
      (Ou ce qui est mauvais, quand ça vient à propos).

      De sa jeunesse, un corps a-t-il des souvenirs ?
      Ou des prémonitions, quant à son avenir ?
      Le corps se soucie peu de ces choses lointaines.

      Il laisse aller le sang et palpiter le coeur,
      Ni vaincu désolé, ni triomphant vainqueur,
      Les ans ne sait compter que par quelques dizaines.