les rois philosophes
Un roi en manteau bleu offrit la liberté A ceux de ses soldats qui aimaient leur village ; Ils ont eu des ennuis avec leur voisinage, On chuchotait partout qu'ils avaient déserté. Un roi en manteau blanc voulut l'égalité Entre les gens de haut et de plus bas lignage ; Avec les grands seigneurs ça causa du tirage, Ils grognaient « Quel mépris pour notre qualité ». Un roi en manteau rouge a dit « Soyons tous frères, Dieu nous l'a demandé, tant le fils que le père » ; On l'accusa d'avoir par trop de dévotion. A ces rois novateurs on a tranché la tête Et fait de leurs manteaux un drapeau pour la fête. Je lève donc mon verre à la révolution. |
Le roi des arbres est un buisson Abimélek a fait exterminer ses frères, Sauf Yotam qui raconte une histoire de rois. Les arbres ont voulu un monarque (à bon droit). L'olivier se récuse, offrir l'huile, il préfère ; Et le figuier poser des figues sur la terre, Et la vigne fournir du vin de bon aloi. Le buisson alors crie : « En moi, ayez donc foi, Si vous m'obéissez, je serai débonnaire. Si vous me méprisez, je répandrai les flammes Pour brûler des vivants le corps et même l'âme De Méditerranée aux sommets du Liban. » Yotam a raconté cette fable stupide Pour porter désaveu, de manière intrépide, Aux affabulations d'un vieux buisson ardent. |
Grandeur et décadence d'un peu tout le monde
C'est sur un tapis bleu qu'est le trône royal, Bleu comme les rideaux des vieux châteaux de France. Quand on est au pouvoir, on soigne l'apparence, C'est là, pour un monarque, un art immémorial. C'est sur un tapis blanc que le roi, triomphal, Honore sa maîtresse en gardant la cadence, Puis, après la dînette, et quelques confidences, Il prendra son repos dans le lit conjugal. Mais sur un tapis rouge on a jeté son corps. Quel drame a renversé le fabuleux décor ? C'est la révolution, victorieuse et tragique. Ils ne reviendront plus, ces règnes abolis Où l'homme, tel un marbre, était dur et poli. De moins en moins nombreux en sont les nostalgiques. |
Ornithologie barbare
Dimanche, un oiseau bleu a demandé au roi De laisser le pouvoir à l'assemblée civique ; Il était temps d'aller vers une république Où le gouvernement respecterait les lois. Lundi, un oiseau blanc fait l'annonce, à mi-voix, Que le monde a changé de façon pacifique, Que le roi gardera un pouvoir symbolique... (Cela s'est déjà vu, au royaume, autrefois). Mardi, un oiseau rouge enivra les soudards Qui ont livré bataille au long des boulevards, Emplissant de terreur les derniers jours du règne. Le temps des beaux marquis, le voilà révolu, Il n'est donc plus question de pouvoir absolu, Sauf de bureaucratie, l'universelle araigne. |