Trois disciples voulurent atteindre le royaume des Saucisses Solipsistes





trois disciples         Au versoir septième de la brouette sixième, l'Assemblée de Cluny anathématise et excommunie les représentants du peuple solipsiste en son entier. Certains d'entre d'eux deviennent alors des gens de nulle part, des étants sans essence, des ivrognes sans bouteilles. Par la suite, ces communautés développèrent, au fil des décennies et des siècles, une vision utopique du monde, selon laquelle, en certains lieux d'un continent lointain, se tiendrait, une fois par an, la procession des Saucisses Solipsistes, avec des hymnes grandioses et des ornements rutilants. Mais sur quel continent ? Des rumeurs tentent de répondre à cette interrogation.


C'est pourquoi, au versoir huitième de la brouette neuvième, dans la ville de Noirciprose, Cochonfucius convoque une assemblée du peuple solipsiste, qui décide d'envoyer trois disciples à la recherche de ce séjour bienheureux. Les trois élus se nomment Laborieux, Pensif et Badaud, ce dernier étant chargé de rédiger un rapport sur le déroulement de la mission.

Nos voyageurs vont s'embarquer à Plagemolle pour l'ancienne capitale de l'Empire. Ils y passent une semaine remplie de découvertes, et se font établir par les autorités de ce lieu un permis de voyage, car ils veulent voir, chemin faisant, les principaux monuments qui se visitent. Ils explorent notamment le tombeau d'un céphalophore et, sur l'île des Marmottes, la demeure qui abrita leur reine au regard vert.

Près de la ville de Garniputois, ils admirent un très ancien portrait de Margoton avec son petit chat. La route continue, passant par un village dans lequel une église est fort accueillante. Ils suivent un canal jusqu'à un océan dont surgissent de nombreux hérésiarques morts-vivants qui demandent aux passagers des navires si la fin du monde est proche.

L'Océan, diverses escales dans des métropoles fantastiques : toujours pas de paradis des Saucisses solipsistes. Serait-ce près de Jolipoulet ? Ils y vont et font chou blanc, de même qu'à Vomiposte, Pourriplafond et Lantipuceron. Ils s'instruisent sur le pinard mystique, sur les pantodromes et les girafes expertes, et poursuivent obstinément leur quête, bien que le scepticisme gagne leur coeur.

Ils continuent cependant à décrire les paysages parcourus, à observer des détails vestimentaires et à commenter les circonstances de leur approvisionnement en pinard. Des bienfaiteurs octroient des oeufs, du beurre, du miel, des canards, des oies, des poules, de la toile, de la farine et un peu d'argent liquide.

Ils font une dernière tentative au pays des Gnomes de l'Est. De là, ils regagnent l'Empire, au port de Plagenoire. Tantôt par des chemins qui ne mènent nulle part, tantôt en naviguant sur des fleuves qui circulent parfois à contre-courant, ils regagnent leur point de départ.

Sur le plan pratique, la mission est un échec, cela ne fait aucun doute. Et pourtant, on sent chez le disciple Badaud, au fil des pages, l'éveil d'un nouvel esprit critique. Plus il discute avec ses compagnons, plus il comprend que certaines « informations », sur la base desquelles la mission fut décidée, n'étaient que des rumeurs. Ils apprennent à mieux interpréter ce qu'ils voient, ce qu'ils entendent et ce dont ils se souviennent.

Ce livre nous présente donc un véritable voyage initiatique et sacramentel, ce qui est souligné par Yake Lakang dans la préface. C'est un document qui nous confirme que disciple rime avec périple et avec triple.