encore un sonnet
Cochonfucius vu par Stéphane Cattaneo








Cette intervention prend la forme d'un sonnet.

S'agit-il d'un sonnet nocturne ? Peu importe.

troisième art poétique

Heureux qui peut reprendre une oeuvre très ancienne
Et lui faire porter un contenu nouveau,
Cherchant à faire mieux que ses nombreux rivaux
Ou bien laisser chanter la voix qui est la sienne...

La forme nous inspire et les contenus viennent
(Et c'est surtout par eux que le poème vaut).
On peut passer des nuits à ces plaisants travaux
Qui nous font découvrir à quoi nos pensées tiennent.

Un coup de nostalgie, la sagesse d'une huître,
Le bonheur sans argent, l'escargot sur la vitre...
Innombrables pour nous foisonnent les motifs.

Le sujet est présent, prenons garde à la forme,
Mais cela ne va pas être un effort énorme :
Quand le plaisir l'excite, un esprit est actif.


* * *


      un art poétique improvisatoire

      Mon esprit est fragile, et n'est jamais très clair,
      S'il parvient à penser, c'est un peu par magie.
      Mais il est éclairé par Dame Poésie
      Et par la poésie de mes amis très chers.

      Il danse avec les mots ; ils lui sont une chair
      Qui dans ses mouvements la pesanteur défie.
      S'il vibre certains jours d'une émotion qui crie,
      Il la traduit en verbe au rythme des éclairs.

      Et puis il se repose en lisant les sonnets
      Produits, ici et là, par les gens qu'il connaît.
      Ils sont doux à son coeur comme des airs de flûte.

      Même, quand il parvient au deuxième tercet,
      Il s'étonne, il se dit : « Ma foi, je ne pensais
      Pas rencontrer ici ce vers-là comme chute ».


   un discours silencieux

Des paroles nous vient illusion de puissance,
Complice en est souvent un patient auditeur.
Mais si l'on veut un jour prendre de la hauteur,
Rien n'est plus expressif qu'un modeste silence.

Rodin nous donne à voir un homme nu qui pense,
Plus éloquent ainsi que bien des orateurs.
Cette antique leçon que transmet le sculpteur
Possède la saveur des belles évidences.

Le chat dans le jardin sait cela, j'en suis sûr,
Allant sans aucun bruit dans le matin obscur
A l'heure où d'un oiseau retentit le ramage.

Même l'écrit, souvent, se montre superflu.
Oublie ces quelques vers quand tu les auras lus :
Tu vois bien qu'ils ne sont qu'un léger bavardage.


* * *


un art stylistique

Un mot n'est pas toujours issu d'une pensée,
Parfois le mot voisin le fait venir au jour,
Il ne pense pas plus que n'entendent les sourds ;
Parlent les grands parleurs bien loin sur leur lancée.

Or, certains vont cherchant la forme condensée ;
Au travers des notions, ils veulent couper court.
Au fil des raccourcis par où leur esprit court,
Admirons leur démarche aisément balancée...

D'autres, développant leur magistrale prose
Comme un vaste jardin que souvent l'on arrose,
Nourrissent leurs écrits du noble effort humain.

Ma plume a le mot bref, car elle est paresseuse,
Et puis, mon intellect jamais bien loin ne creuse,
Quand les plus beaux trésors sont à portée de main.