encore un sonnet
Cochonfucius vu par Stéphane Cattaneo








Cette intervention prend la forme d'un sonnet.

S'agit-il d'un sonnet nocturne ? Peu importe.

je me souviens

Je me souviens d'un pont qui menait à l'école,
D'une vitrine ornée de cochons par milliers,
De la magie qu'avaient les chemins familiers
Et des fourmis courant au bas des herbes folles.

Je me souviens d'un maître aimant les paraboles,
Des leçons de latin d'un moine régulier
(Capable d'expliquer un pluriel singulier),
Et d'un grand-père usant d'un langage frivole.

Je me souviens d'avoir aimé les animaux
Et les arbres du soir agitant leurs rameaux,
Et les petits gâteaux au parfum de cannelle.

Je me souviens de vous, mes compagnons de jeux,
Je me souviens du jour limpide ou orageux,
Je me souviens... La vie me semblait éternelle.


   un village

Tout est calme, aujourd'hui, au coeur de Saint-Denis.
Ici on fait la queue pour la demi-baguette,
Et là, quatre vendeurs, en pause-cigarette ;
A l'arrêt d'autobus, un pépère qui lit.

La foule fait sa vie, nonchalante à-demi,
Plus vive un petit peu quand l'autobus s'arrête.
Au comptoir d'un café, un vieillard en goguette
Partage une tournée avec quelques amis.

On traîne au centre-ville, on fait passer le temps,
Attendant sans savoir quelle chose on attend,
Suivant les longs trottoirs comme on suit un rivage.

On sort malgré la pluie, ou parce qu'il fait beau ;
Revoir la basilique, admirer les tombeaux,
Voir comment va chacun dans ce petit village.






Si j'étais un oiseau, je serais un pluvian

Si j'étais un Gaulois, je serais un vieux druide ;
Si j'étais quelques vers, je serais un sonnet
Si j'étais un chapeau, je serais un bonnet,
Si j'étais l'Univers, je serais un grand vide,

Si j'étais un combat, je serais fratricide;
Si j'étais un slogan, je serais « je connais »,
Si j'étais un cheval, je serais un poney,
Si j'étais un pays, je serais l'Atlantide.

Si j'étais un oiseau, je serais un pluvian ;
Si j'étais un auteur, je serais Boris Vian,
Si je n'étais de l'eau, je serais de la bière.

Si je n'étais marié, je serais amoureux ;
Si j'étais à manger, je serais savoureux,
Si j'étais un trésor, je serais de la terre.


   Un héros de notre enfance

Allons-y, dit le chat en enfilant ses bottes.
Vers le château de l'ogre il marche d'un bon pas,
Ayant fait le meunier marquis de Carabas,
Il garde cependant plus d'un tour dans sa hotte.

A la ruse de l'ogre, un instant, il se frotte,
L'ogre l'effraie un peu, mais ça ne dure pas,
L'ogre devient souris dont il fait un repas.
Or, le fils du meunier avec le roi fricote :

Le roi n'a pas de fils, donc il lui faut un gendre,
Le félin y pourvoit, pas de quoi nous surprendre,
Ce chat machiavélique a fait ce qu'il faut pour.

A la mort du vieux roi, c'est le meunier qui règne,
Ça reste un brave gars, peu de sujets le craignent,
Mais ils craignent les chats comploteurs de la cour.