Sur Journal de captivité en Russie (Ginkgo, 253 pages, mars 2004, ISBN 2-84679-019-1, 19 euros)
de Désiré Fuzellier, par Jean-Baptiste Berthelin pour ArtsLivres


les voyages forment la jeunesse et déforment les savates                Fait prisonnier lors de la campagne de Russie, le jeune Désiré Fuzellier, aspirant-médecin, y effectue en 1813 et 1814 deux longues pérégrinations, la première pour gagner la ville de Spask, où il fut assigné à résidence, et la seconde pour quitter la Russie, lors de sa libération. Ayant appris un peu de russe, et doué d'un grand sens de l'observation, ce personnage prit des notes qu'il mit au propre dès son retour. Mais il ne les fit pas publier, et c'est son descendant Raymond Fuzellier qui, cent quatre-vingt-dix ans plus tard, finit par s'en charger, y ajoutant une présentation historique et d'instructifs commentaires.
       


Tout au long de son itinéraire, Désiré Fuzellier décrit les paysages parcourus, observe des détails vestimentaires et commente les circonstances de l'approvisionnement de la petite troupe de prisonniers de guerre dont il fait partie.

En décembre 1813, les prisonniers atteignent la ville de Spask, leur destination. Située sur la rive gauche de la Volga, en aval du confluent avec la Kama, cette bourgade offre aux détenus une vie paisible, au rythme des saisons.

Fuzellier décide un jour d'exercer, sous le nom d'Ivan Ivanovitch, sa profession de médecin, car il perçoit une certaine demande des habitants du lieu. Il en tire une véritable popularité, et une connaissance plus intime des coutumes et des usages locaux. Il y gagne aussi des oeufs, du beurre, du miel, des canards, des oies, des poules, de la toile, de la farine et un peu d'argent liquide.

Bientôt survient la nouvelle d'un accord de paix entre la Russie et la France de Louis XVIII. C'est l'occasion de chanter, de s'enivrer et d'adresser aux autorités de la ville des paroles reconnaissantes. Puis la petite troupe prend le chemin de la frontière.

Au long de la route, elle est rejointe par d'autres groupes de prisonniers libérables. En passant par les villes, nos Français assistent à d'autres réjouissances en l'honneur de la paix retrouvée.

Vers la fin du parcours, Désiré est invité à la table d'une aimable famille polonaise, où il se trouve voisin d'une charmante demoiselle pour qui il a le coup de foudre. Mais c'est la raison qui l'emporte, et il poursuit sa route vers la liberté. Il quitte enfin la Russie, en octobre 1814, et conclut son rapport sur un remerciement au tsar Alexandre Ier, dont la bienveillance a rendu sa captivité bien plus supportable qu'il ne l'aurait cru.

Ce clair récit d'un promeneur vigilant, soucieux d'apprendre et de transmettre, constitue un irremplaçable témoignage sur la fin de la campagne de Russie. Il faut saluer l'initiative du descendant de l'auteur, qui, au lieu de garder pour lui ce précieux carnet, en a fait profiter, en le publiant, les historiens et les simples curieux de récits historiques.