Sur Expédition à Botany Bay (Editions Anacharsis,
349 pages, novembre 2006, ISBN 2-914777-30-2, 22 euros),
de Watkin Tench
par Jean-Baptiste Berthelin pour ArtsLivres




de nombreux feux sur les collines              Le 13 mai 1787, une imposante flotte britannique quitte les environs de l'île de Wight pour gagner le site de Botany Bay en Australie. Le but de l'expédition est d'offrir une vie nouvelle, en terre lointaine, à plusieurs centaines de condamnés de droit commun, qui bénéficient d'un important encadrement militaire.

Parmi ces vaillants soldats se trouve un certain Watkin Tench, à qui nous devons la chronique de toute cette aventure. Il profite de la longue traversée pour se familiariser avec les détenus, qui au départ sont plutôt satisfaits de devenir colons.
       
La flotte effectue une courte escale à Ténériffe et se dirige ensuite vers Rio de Janeiro où les autorités brésiliennes lui réservent un accueil chaleureux. Puis elle navigue vers le Cap de Bonne-Espérance. C'est là que sont embarquées les bêtes d'élevage destinées à la colonie future : deux taureaux, trois vaches, trois chevaux, quarante-quatre moutons et trente-deux cochons, sans compter les volailles et les chèvres, et les bêtes acquises à titre personnel par quelques officiers.

Le 20 janvier 1788, les exilés touchent à leur but. Mais ils constatent que le site de Botany Bay ne convient pas pour une installation durable. Ils en trouvent un autre, Port-Jackson (devenu depuis Sydney). Les premiers contacts avec les aborigènes s'effectuent sans la moindre violence. Quelques matelots procurent même une grande satisfaction à un vieillard venu à leur rencontre : ils lui rasent proprement sa longue barbe, et il s'en déclare agréablement rajeuni.

En février, les lois de la colonie sont officiellement proclamées devant le peuple rassemblé. Ce territoire prend alors son nom de Nouvelles-Galles du Sud. Lors de la cérémonie, le Gouverneur incite les condamnés de droit commun à réformer leur conduite, afin de profiter d'une vie meilleure, et rappelle aux éventuels réfractaires la sévérité des punitions qu'ils encourent.

En avril, l'approche de l'hiver austral se fait sentir. Les colons bâtissent de solides édifices : vastes baraquements pour les soldats et modestes cabanes pour les condamnés. Cependant, les animaux d'élevage profitent d'une inattention passagère de leurs gardiens et se perdent dans la nature, finissant probablement par servir de gibier aux aborigènes. Les colons s'habituent à la viande de kangourou.

En 1789, le Gouverneur décide de renforcer les contacts avec les populations locales. Pour y parvenir, il organise la capture de quelques aborigènes, afin qu'ils soient momentanément retenus par contrainte dans la colonie. Cette disposition est censée permettre aux colons de les étudier et, en sens inverse, de leur transmettre des connaissances et du vocabulaire.

Ce plan réussit très partiellement. Un seul individu est ainsi fait prisonnier. Par chance, il est rempli de curiosité, et profite bien des leçons qu'il reçoit. Après une période de réticence, il signale que son nom est Arabanoo, et indique aussi de nombreux noms de collines et de rivières, ainsi que d'objets usuels.

Plus tard, à la suite de circonstances tragiques, un enfant aborigène, nommé Nanbaree est adopté par une famille de colons. Cependant, la variole emporte Arabanoo et le plan de rapprochement des communautés aboutit donc à un échec relatif, même si, par la suite, d'autres individus acceptent de séjourner temporairement dans la colonie. L'un d'entre eux devient même buveur de vin, ce qui le rend unique parmi ceux de son peuple.

En juin 1790, un navire vient d'Angleterre, chargé de renforts pour la garnison et de nouveaux déportés. C'est l'occasion de festoyer, mais aussi de réaffirmer les termes de la loi qui régit ce petit monde. Dès lors, le développement du site prend sa vitesse de croisière, lente et laborieuse. En janvier 1791 se produit un fait presque insignifiant, mais d'une haute valeur symbolique : la vigne du Gouverneur produit deux belles grappes. C'est une des marques de l'occidentalisation du mythique continent australien.

Au total, cette narration riche en anecdotes et en jugements qualitatifs est une importante contribution à l'histoire de ce monde exotique. En particulier, les tentatives de communication entre Australiens et Britanniques sont clairement documentées et illustrées. De plus, l'introduction et les nombreuses notes d'Isabelle Merle lui communiquent un éclairage pertinent et efficace. C'est donc un ouvrage qui guidera les amateurs de dépaysement, mais aussi d'explications du monde.