Sur Six curiosités facétieuses sous Henri IV (Passage du Nord/Ouest,
78 pages, septembre 2004, ISBN 2-914834-12-8, 6 euros)
édition de Georges Bourgueil par Jean-Baptiste Berthelin pour ArtsLivres




qui veut faire l'ange ?              Ces six opuscules nous instruisent respectivement sur le fessier des nourrices, sur les cons sauvages et sur leur apprivoisement, avec un bail qui en fut fait, et pourquoi ce n'est pas au menton que les femmes portent la barbe ; enfin, pour finir dignement, on signale le bannissement de Carême-Prenant.
       

Le fil conducteur en est l'ébahissement supposé du spectateur masculin devant certain fleuron de l'anatomie féminine. Le premier de ces documents explique la majesté de certains fessiers par l'immense largeur et l'insondable profondeur du gouffre qu'ils abritent. Cette monstruosité proviendrait de la maladresse du premier homme, à qui l'on demandait de créer un passage pour le noyau d'une pêche, et qui le fit pour une bêche. Quant au fait d'y voir pousser de la barbe, il en existe également une explication : la première femme vola de la terre magique pour se l'appliquer au menton, mais par accident, ce fut autre part.

Le document suivant, plus optimiste, exalte la diversité des formes et des expressions de ce que Robert Lapoujade appela en 1973 un sourire vertical. La dame et la demoiselle, la bourgeoise et la pucelle, la nonne et la servante, et toutes les femmes du royaume ont leurs attraits secrets, qui ne le restent pas toujours quand on leur fait la cour. S'ils ne se montrent, on les devine à d'autres signes, dont l'auteur anonyme propose un inventaire pertinent, afin de guider le lecteur dans le choix d'une agréable rencontre.

Un autre auteur nous régale de son jargon notarial par lequel, selon lui, une demoiselle peut donner en location son plus bel apanage. Ce bail en bonne forme contient une description fort minutieuse de la chose louée et de ses annexes, dont le preneur jouira en bon père de famille. Ledit preneur apportera de son côté les garanties d'un bien qui lui est propre, et dont la destination est d'être joint au précédent pour le plus grand avantage mutuel.

La pièce finale n'est autre qu'une autocritique du démon Carême-Prenant, image de la gloutonnerie ayant cours jusqu'à la veille du grand jeûne annuel. Pressé par ses juges catholiques, il avoue les crimes d'oisiveté, d'incitation à des festins, de remplissage des boyaux et de piperie. Sans compter le braconnage, le gaspillage, le marivaudage et les atteintes à l'ordre public. L'ivresse, les injures, et maintes folies lui sont encore à charge. Pour toutes ces raisons, il se fait bannir du royaume, mais on craint son retour dans un peu moins d'un an. Car la sagesse et la vertu ne sauraient prévaloir qu'à titre temporaire.

De cet ensemble surgit l'immense jubilation de la parole débridée. Une note instructive, due à Georges Bourgueil, nous rappelle que le discours masculin s'affole volontiers, s'il doit parler des plaisirs qui lui ôtent l'entendement. Parmi ceux-ci, la luxure et la goinfrerie tiennent une place à part, ainsi que s'en souviennent les spectateurs du film La Grande Bouffe. Sans être un monument littéraire, ce petit recueil procure un vrai plaisir textuel.