Le monde nocturne (1 et 2)

Le monde étrange du sommeil
où luisent de sombres éclats
foisonne de monstres pareils
aux fantômes de l'au-delà

Mais j'aime ce monde incertain
et la noirceur de son soleil
car c'est là du soir au matin
que je cueille les fruits vermeils

de nos impossibles amours
car en rêve ou en insomnie
en discorde ou en harmonie

le coeur léger ou le coeur lourd
joie ou tristesse en ma mémoire
à toi je pense en la nuit noire

   Le conte ne dit pas quelle première phrase
Murmure à son éveil la belle au bois dormant,
Ni ce que lui répond son cher prince charmant.
Pas grand-chose sans doute, un propos sans emphase.

Le sommeil prolongé qui procure la base
De ce curieux récit, presque un petit roman,
A la vie de la belle apporte un ornement,
Car il suspend le temps comme fait une extase.

Quels rêves faisais-tu au château endormi,
Voyais-tu, dans le noir, les yeux de ton promis,
Ou la mauvaise fée que son ire envenime ?

Ainsi le quotidien fait de nous des dormeurs
Dont l'esprit engourdi, comme du feu qui meurt,
Rêve, confusément, qu'un prince le ranime.











piano sauvage



Arthur et le déluge

Le déluge s'assoit et le lièvre s'arrête.
Cachés sont les trésors, et visibles les fleurs.
L'avenue se remplit d'innombrables vendeurs,
La mer est en gradins, vagues crête sur crête.

Coulent le sang vermeil, le lait que le veau tète ;
Fume le mazagran du castor bâtisseur,
Coule l'eau sur la vitre auprès d'enfants rêveurs ;
L'un d'entre eux a montré le vent aux girouettes.

Une dame établit un piano sur les cimes.
Un hôtel est bâti dans les lointains ultimes.
Vers la lune a crié au désert un chacal;

Si le printemps ici vient à trouver refuge,
Nous allons demander le retour du déluge :
Autrement se taira la dame de Cristal.

   La communion

La belle qui rêvait à son prince charmant
Se perd dans un monde où le galant se reflète,
Le monde d'un mirage aux éclats de paillettes,
Où mille chérubins volent languissamment ;

Le firmament du monde est fait de diamant
Taillé par Dieu sait qui en surfaces parfaites.
Sous ce large plafond, la princesse inquiète
Marche, l'oeil ébloui d'un blanc rayonnement.

Le prince observe ça dans un miroir de flammes,
Près de sa cheminée, il rêve, il s'est fait beau,
Ses valets près de lui, brandissant leurs flambeaux.

La princesse et le prince, en ce contact des âmes,
Semblent vider ensemble un calice idéal
Dont le vin s'illumine au travers du cristal.