encore un sonnet
Cochonfucius vu par Stéphane Cattaneo








Cette intervention prend la forme d'un sonnet.

S'agit-il d'un sonnet nocturne ? Peu importe.

les rois philosophes

Un roi en manteau bleu offrit la liberté
A ceux de ses soldats qui aimaient leur village ;
Ils ont eu des ennuis avec leur voisinage,
On chuchotait partout qu'ils avaient déserté.

Un roi en manteau blanc voulut l'égalité
Entre les gens de haut et de plus bas lignage ;
Avec les grands seigneurs ça causa du tirage,
Ils grognaient « Quel mépris pour notre qualité ».

Un roi en manteau rouge a dit « Soyons tous frères,
Dieu nous l'a demandé, tant le fils que le père » ;
On l'accusa d'avoir par trop de dévotion.

A ces rois novateurs on a tranché la tête
Et fait de leurs manteaux un drapeau pour la fête.
Je lève donc mon verre à la révolution.


  
      Le roi des arbres est un buisson

      Abimélek a fait exterminer ses frères,
      Sauf Yotam qui raconte une histoire de rois.
      Les arbres ont voulu un monarque (à bon droit).
      L'olivier se récuse, offrir l'huile, il préfère ;

      Et le figuier poser des figues sur la terre,
      Et la vigne fournir du vin de bon aloi.
      Le buisson alors crie : « En moi, ayez donc foi,
      Si vous m'obéissez, je serai débonnaire.

      Si vous me méprisez, je répandrai les flammes
      Pour brûler des vivants le corps et même l'âme
      De Méditerranée aux sommets du Liban. »


      Yotam a raconté cette fable stupide
      Pour porter désaveu, de manière intrépide,
      Aux affabulations d'un vieux buisson ardent.





Grandeur et décadence d'un peu tout le monde

C'est sur un tapis bleu qu'est le trône royal,
Bleu comme les rideaux des vieux châteaux de France.
Quand on est au pouvoir, on soigne l'apparence,
C'est là, pour un monarque, un art immémorial.

C'est sur un tapis blanc que le roi, triomphal,
Honore sa maîtresse en gardant la cadence,
Puis, après la dînette, et quelques confidences,
Il prendra son repos dans le lit conjugal.

Mais sur un tapis rouge on a jeté son corps.
Quel drame a renversé le fabuleux décor ?
C'est la révolution, victorieuse et tragique.

Ils ne reviendront plus, ces règnes abolis
Où l'homme, tel un marbre, était dur et poli.
De moins en moins nombreux en sont les nostalgiques.


   Ornithologie barbare

Dimanche, un oiseau bleu a demandé au roi
De laisser le pouvoir à l'assemblée civique ;
Il était temps d'aller vers une république
Où le gouvernement respecterait les lois.

Lundi, un oiseau blanc fait l'annonce, à mi-voix,
Que le monde a changé de façon pacifique,
Que le roi gardera un pouvoir symbolique...
(Cela s'est déjà vu, au royaume, autrefois).

Mardi, un oiseau rouge enivra les soudards
Qui ont livré bataille au long des boulevards,
Emplissant de terreur les derniers jours du règne.

Le temps des beaux marquis, le voilà révolu,
Il n'est donc plus question de pouvoir absolu,
Sauf de bureaucratie, l'universelle araigne.





Rois de trois pays

Le roi du pays bleu craint une sécheresse,
Je lui dis que le vin est fait pour être bu.
Le roi du pays rouge a peur d'être pendu,
Je lui dis : « Le bourreau a bien trop de paresse ».

Le roi du pays blanc veut changer de maîtresse,
Je lui dis : « Ce serait beaucoup de temps perdu ».
Sur le beau pays bleu, tout soudain, il a plu,
Ce qui fit applaudir le peuple et les princesses.

Les gens du pays blanc offrent au souverain
Mille cadeaux qu'il prend, de l'air le plus serein,
Et celui qu'il préfère est une tarte aux pommes.

Les gens du pays rouge ont entonné un chant
Repris par les soldats, dans le soleil couchant,
Pour célébrer la paix qui règne entre les hommes.


         roi crépusculaire