Sur Le serment tchétchène
(J. C. Lattès, 431 pages, janvier 2004, ISBN 2-7096-2644-6, 22 euros)
    de Khassan Baiev, par Jean-Baptiste Berthelin pour ArtsLivres

The Oath, a surgeon under fire     (Le serment tchétchène)      

    Cet ouvrage est le témoignage d'un survivant, mais aussi la déposition d'une victime, et surtout un message d'espoir. Baiev n'est certes pas un homme de lettres. Mais il a une tragique histoire à raconter, la sienne et celle de son peuple meurtri par une succession de guerres, entre lesquelles la paix n'est chaque fois que relative et précaire.

    L'auteur retrace son parcours avec des mots simples, de sa paisible et bucolique enfance à son mélancolique exil bostonien.

    Il décrit les conditions de sa formation sportive et médicale, les hommes et femmes qu'il rencontre, le succès ou l'échec de ses projets, ainsi que sa relation ambivalente avec la Russie.


      Sa première vocation est de pratiquer les arts martiaux (judo, taekwondo et sambo) au niveau de la haute compétition. Cela lui fait découvrir plusieurs villes de Russie et de Sibérie, notamment Krasnoïarsk, où il décide de demander une inscription en médecine. Il l'obtient, non sans mal, et s'oriente vers la chirurgie réparatrice. Une étudiante russe s'éprend de lui, mais il ne souhaite pas lui imposer les coutumes tchétchènes en vigueur dans sa famille. Dans la suite de l'ouvrage, on le voit défendre ce même particularisme tchétchène contre des missionnaires saoudiens qui croyaient que leur version de l'Islam était plus à jour que la sienne.

      De retour dans sa ville natale, une banlieue de Grozny, il commence paisiblement sa carrière de jeune diplômé entreprenant. Il fonde une famille et construit sa maison. Mais à trente ans, il subit le choc de la guerre consécutive à la proclamation de l'indépendance par le téméraire général Doudaiev.

      Il fonde un hôpital où il soigne des combattants des deux armées en présence. De ce fait, des menaces de mort pèsent sur lui d'un côté comme de l'autre. Mais aussi, de solides amitiés se forment avec d'autres médecins, qu'ils soient russes, tchétchènes ou venus de l'étranger.

      Le stress subi alors l'envoie en clinique psychiatrique, dépressif et quasi suicidaire. Un sage lui affirme alors qu'il doit se rendre à la Mecque, pour retrouver son équilibre intellectuel et moral. Et en effet, de retour du pélerinage, il va mieux.

      Mais la guerre revient, ainsi que le banditisme, et la misère pour les civils. Ils en sont réduits à le supplier d'opérer leurs vaches et leurs chevaux blessés dans les bombardements. Il accepte, une ou deux fois, en rappelant aux paysans qu'il doit donner la priorité aux personnes humaines.

      Plus il soigne, plus on le menace. A la fin, il n'en peut plus, et se réfugie aux Etats-Unis. Certes, il n'est pas à l'aise en anglais, il a du souci pour son père et sa mère qui restent au pays, et il se demande quelle profession il pourra désormais exercer. Mais il garde bon espoir, puisque, dans les deux camps adverses, des hommes de bonne volonté cherchent à restaurer la paix entre les peuples.

      Sans parler de l'émotion présente au long de ce texte, il convient d'en admirer la sobriété et la grande lucidité. Témoignage d'un survivant, déposition d'une victime, mais aussi, confession d'un personnage attachant au possible.