Pierre Abélard à Saint-Denis
Abélard, dont le peuple admirait les discours A pour amante pris la très sage Héloïse, Et l'histoire nous dit combien cette entreprise Les laissa tous les deux sans joie et sans secours. Bien que leur aventure eût ainsi tourné court, Héloïse resta sous cette étrange emprise. A leur sort inhumain ces deux âmes en prise Ne perdirent contact, au long de leur parcours. Et quand je pense à eux, je leur donne raison, Car, n'ayant plus de fruits dans leur froide saison, Ils cultivaient la fleur des amours impossibles. J'admire même un peu leur double célibat. Chacun de leurs deux coeurs, qui contre l'autre bat, A le droit de ne pas demeurer impassible. * * * Adam et Lilith J'aimais la poésie sans avoir jamais vu De poète vivant... et puis, une luronne Ecrivant sous mes yeux, à ce point m'impressionne Que mon âme aux miroirs ne se reconnaît plus. Et moi qui me prenais pour un vieillard chenu, Je me mets à flamber au milieu de l'automne, Et tous mes bons copains, bien sûr ça les étonne, De me voir explorer ce parcours inconnu. Mais mon coeur n'est pas libre, et ma vie est inscrite Dans un quotidien qui a sa règle et ses rites. Platoniques seront ces nouvelles amours. Impossibles plutôt, car c'est trop de souffrance De réduire l'amour à quelques apparences, Lui qui voudrait qu'on fît un grand feu, chaque jour. |