Pierre Abélard à Saint-Denis
Abélard, qui connaît à présent tes discours ? Plus parlant à nos coeurs est celui d'Héloïse, Te demandant pourquoi tu l'avais entreprise Pour un jour lui ôter ton marital secours. Mais bien que ta carrière ait ainsi tourné court, Tu gardes sur notre âme une honorable emprise. A ce monde inhumain quand nous sommes en prise La nostalgie nous prend de ton simple parcours. Et quand je pense à toi, je te donne raison, Car je connais aussi une froide saison Où ne vit que la fleur d'un amour impossible. Je n'ai pas fait retour, quand même, au célibat. Autant qu'il est un coeur qui contre le mien bat, Je ne vais certes pas devenir impassible. * * * Adam et Lilith Adam aimait l'amour sans avoir jamais vu De féminin minois... et puis, une luronne Qui n'a pas froid aux yeux, à ce point l'impressionne Que son coeur de l'Eden ne se satisfait plus. Et lui qui se montrait tout innocent et nu Devient majestueux au milieu de l'automne, Les oiseaux du jardin, bien sûr ça les étonne, De le voir explorer ce parcours inconnu. Mais Adam n'est pas libre, et sa vie est inscrite Au plan du Créateur, en sa règle, en ses rites. Lilith partit un jour vers je ne sais quel sort. Adam n'a de cela gardé nulle souffrance, Ce bel amour était une vaine plaisance ; Celui qu'il a pour Eve est fort comme la mort. |