Cendres de chêne et cendres de roseau
Le chêne et le roseau sont rarement d'accord. Ils n'ont pas le même art d'aborder les ruptures, Ni la même présence au sein de la nature, Aussi, chacun à l'autre a toujours donné tort. Le vagabond qui va, ramassant du bois mort, Sait que du chêne il peut tirer la flamme pure D'un feu qui le réchauffe et toute la nuit dure ; Il faut que le roseau soit enflammé d'abord. Voilà ces ennemis rendus complémentaires, Leurs cendres, cependant, n'en ont plus rien à faire, N'entendant déjà plus les propos des oiseaux. Toi, le plus vaillant arbre à la robuste tige, Et toi, brave pipeau de fort peu de prestige, La terre vous attend, chêne comme roseau. |
la rose et l'hirondelle
La rose au long du jour contemple l'hirondelle Et rêve de voler au soleil de l'été. L'oiseau envie la fleur qui au sol peut rester, Faisant l'objet des soins d'un jardinier fidèle. Chacune croit que l'autre a une vie plus belle Et sur son propre sort semble se lamenter, La fleur qui ne peut pas du sol se déplanter, L'oiseau car il lui faut voler à tire-d'aile. Quiconque est solitaire aimerait des étreintes, Celui qui vit en couple en subit les contraintes, Et chacun d'envier d'un autre humain le sort. Mais il vient à la fin le moment où s'apaisent Ces désirs obsédants qui sur nos âmes pèsent : Aucune fleur fanée n'envie un oiseau mort. |
Morte Saison
Le jardin ne craint pas de voir tomber de l'eau, Cela ragaillardit nos braves escargots ; Dans le froid matinal, un vieil oiseau murmure ; Je l'entends, sans sortir de sous ma couverture. Le temps change en douceur, et non pas en sursaut. L'oiseau à l'escargot ne donne pas l'assaut. De ce jardin, livré à rêveuse nature, Les verts foisonnements, ce matin, me rassurent. Je me verse un café, contemplant la terrasse, Les rochers que l'hiver, parfois, couvre de glace, Le coin de vitre où dort un papillon de nuit. L'escargot ne prend pas le deuil des feuilles mortes, Lorsque l'hiver s'en vient, il clôt sa ronde porte ; Il ne proteste point quand la chaleur s'enfuit. |
Tigre et Poète (hommage à JMdH)
Je reste sous l'effet de ce poème étrange. Je suis comme envoûté par son rythme un peu lent Et qui, dans sa lenteur, ne manque pas d'élan Ni de saveur mystique aux odeurs de vendange. La grandeur des félins, l'immensité du Gange Les muscles pleins de vie et les souffles brûlants, J'en demeure aveuglé comme d'un soleil blanc Reflété dans les eaux, la poussière et la fange. Tigres dansant devant mon regard ébloui, Douceur de la femelle et puissance du mâle, Un homme, auprès de vous, qu'il serait triste et pâle, Sauf, peut-être, un poète aux talents inouïs Qui dans son chant barbare entrelace et emmêle Les voix du grand félin et de l'agneau qui bêle. |