Le primate humain
Moi, le primate humain, le seigneur de ce monde, J'ai droit à votre estime, à votre admiration Et j'irai jusqu'à dire, à votre soumission. A genoux, animaux de la terre et de l'onde. Je vous ai tous conquis, les nobles, les immondes, Je vous ai conféré à chacun sa mission : Aux uns d'assouvir mes carnivores passions, Aux autres d'accepter gentiment qu'on les tonde. J'ai déboisé les sols pour d'utiles cultures, J'ai bien amélioré la brouillonne nature. Certains soirs il me vient comme un doute, pourtant. Je respire un air qui me fait mal à la tête, Le printemps ne met plus mon pauvre coeur en fête. J'ai un peu tout détruit, ah, c'est bien embêtant. (choeur des primates humains :) ... vers le crépuscule S'annonçait-elle bien, cette aventure humaine Porteuse des moissons et des fruits mûrissants... Baigné dans le reflet des espoirs tarissants, Le déclin à des vues modestes nous ramène. Toutefois, nos jardins, où le vent se promène, N'ont pas mauvais aspect dans le jour finissant. L'exil du père Adam, tout en le punissant, Fit de lui un fermier au fructueux domaine. Or, nous, ses petits-fils, devenus innombrables, Nous cultivons toujours ces terroirs admirables Mais ils sont désormais par trop surexploités... Ah ! le soulagement des êtres qui respirent Si du primate humain disparaissait l'empire Alors refleurirait leur animalité ! Nolens Volens Adam aurait voulu rester singe docile, Mangeant sa nourriture au moment d'avoir faim, Ne perdant pas son temps à des discours sans fin, Ne cachant pas son sexe en un bout de textile. Mais il est surchargé d'un cerveau trop habile Qui de trop de détails veut le mettre au parfum. Dieu qui jamais n'admet que l'on soit son dauphin Le condamne aussitôt à des efforts stériles. Adam jette son dieu dans une inexistence Dont il avait sans doute une intime prescience, Car l'intéressé n'a pas beaucoup protesté; Le monde cependant, géré par le primate, Ne plaît plus désormais qu'à quelques psychopathes, Que nous sommes, serons, que nous avons été. |