un sonnet
Cochonfucius vu par Stéphane Cattaneo








Cette intervention prend la forme d'un sonnet.

S'agit-il d'un sonnet à la gloire d'une licorne joyeuse ? Peu importe. Ce qui est incontestable, c'est qu'il ne fut pas trouvé aux cabinets. En voici le texte, suivi d'un bref commentaire.

Pour la dame de mes pensées

N'allons point nous livrer à la mélancolie,
(Est-ce là le devoir d'une âme envers une âme ?)
Celle qui aujourd'hui ces beaux vers me dédie
N'évoque rien pour moi de triste ni d'infâme...

Le monde d'un poète est jardin de folie,
Les plus beaux nénuphars poussent où nul ne rame.
Nos âmes vont cherchant une rime jolie,
Et d'amour de ses mots la rime nous enflamme.

Car les plus beaux récits sont les inachevés,
Les plus belles passions celles qu'on n'a pu vivre ;
Cet esprit est usé, mais pas démotivé.

Lorsque du jour dernier la trompette de cuivre
Dira « Mourez, mortels, ce monde est lessivé. »,
Alors c'est notre amour qui devra nous survivre.
   un exorcisme

Sans ces mots, nous irions vers le côté obscur ;
Avec eux, notre mal de vivre se déchaîne.
Or, ne nous dites pas que la chose est obscène :
Un poète a le droit d'écrire sur un mur.

Ne dites pas, non plus, que le langage est dur.
Il peut charmer le spleen, et adoucir la peine ;
Il peut mettre un sourire aux lèvres d'une reine,
Il peut aider un coeur à se rendre plus pur.

Comme un petit Poucet jonchant le sol de pierres,
Ou comme un pèlerin qui sème des prières,
En les marquant de mots j'ai parcouru ces lieux.

Prends ton temps, toi qui lis, prends ton temps pour les lire,
Il m'a fallu du temps pour savoir te les dire,
Mots venus du profond de mon coeur déjà vieux.


Le refus de la mélancolie exprime un rapport ambivalent avec la vie terrestre (et avec les sonnets réguliers). Or, ce n'est qu'au dernier vers que nous comprenons que cette ambivalence traduit le malaise d'un mortel. Toute la difficulté d'une lecture linéaire apparaît là. Que par la suite, ce même mortel compose des poèmes ne doit pas nous surprendre. Et qu'entre la folie et le désir, ainsi qu'entre les rimes et les amours, ne puisse régner que le malentendu, c'est le fait du réel. Mais, tant pour les récits que pour les passions, le prix de leur inachèvement sera identique. Invoquer un quelconque effet angélique ne servirait de rien dans ces pages. Seule la vertu du penseur, parfait antagoniste du mortel, pourra dénouer cette situation peu claire. Encore y faudra-t-il les flammes de la nuit. Bref, ne vous conduisez jamais comme le mortel qui nous est présenté ici.

Apprenez plutôt la splendeur des versifications d'autrefois.