encore un sonnet
Cochonfucius vu par Stéphane Cattaneo








Cette intervention prend la forme d'un sonnet.

S'agit-il d'un sonnet nocturne ? Peu importe.

la joie et la tristesse

Le poète se lève, il se sent fier et fort,
Il trouve au paysage une fraîcheur nouvelle.
Des anges çà et là le saluent de leurs ailes,
Qui donc sur cette terre irait lui porter tort ?

Mais d'autres jours n'ont pas ce goût de réconfort ;
Lui fait alors défaut la force ascensionnelle,
L'écriture devient recherche obsessionnelle,
L'inspiration faiblit, et se couche, et s'endort.

Jour de joyeux éveil ou bien jour de souffrance,
Parfois je perçois bien d'où vient la différence,
Parfois je dis, pensif : « Ce n'est rien de précis ».

Que la journée soit bonne ou qu'elle soit mauvaise,
Survient la douce nuit qui les passions apaise,
Et la lune en mon coeur n'éclaire aucun souci.


* * *


le chant du cygne

Quand le fil de ma vie ne m'inspirera plus
Le plaisir quotidien de tracer quelques lignes,
Ou que d'y renoncer j'aurai reçu consigne,
Je songerai encore aux instants révolus.

Les tourments, les plaisirs, voulus et non voulus,
Trace n'en restera que ces milliers de signes.
Hélas, si d'un tel jeu mon chant s'est montré digne,
A bien m'en souvenir me voici résolu.

Puis, on n'est sûr de rien. Dans les mois qui vont suivre,
Qui sait quelles passions nos coeurs nous feront vivre
Et chanter dans nos vers, avec ou sans raison ?

Donc, même lorsqu'il faut terminer une page,
C'est la fin d'une étape, et non pas du voyage :
Car les routes jamais n'atteignent l'horizon.


  


la fragilité

Ce corps meurt par fragments et ne se voit mourir,
C'est juste que la vie paraît plus difficile.
Le ton de nos sonnets est toujours juvénile,
Mais, au long des chemins, nous allons, sans courir...

Or, nous le savons bien, qu'il nous faudra périr.
Ce corps que nous avons n'est qu'un vase fragile
Qui au fleuve du temps doit rendre son argile,
Et l'esprit une source en train de se tarir.

Mais si la vie nous donne une force illusoire,
Faisons que cette vie soit une belle histoire,
Que viennent l'illustrer mille pages d'amour.

Les morts ne draguent pas, ne boivent pas non plus
Et ne relisent pas les livres souvent lus :
Buvons donc aujourd'hui notre vin de ce jour.


* * *


presque une consolation

Si gris que soit un jour, on sait qu'il finira
Et que le lendemain sera joyeux (peut-être).
Ceux qui n'ont aujourd'hui personne dans leurs bras
A l'amour cette année ont chance de renaître.

Or, tant que sous nos pieds la terre durera,
Cultivons l'illusion que nous en sommes maîtres.
Rêvons-en chaque soir dans la douceur des draps,
C'est chose qu'ici-bas chacun peut se permettre.

Si d'année en année on y croit un peu moins,
Notre espoir diminue et ne disparaît point ;
L'homme est un animal abreuvé d'espérance.

Mais quand nous en serons à nos derniers instants,
Quand adieu nous dirons à ce monde inconstant,
Ah, quel soulagement dans cette délivrance !