Sur La forme des nuages, d'après Howard suivi d'un Essai de théorie météorologique (Premières Pierres,
64 pages, février 1999, ISBN 2-913534-00-7, 11,90 euros)
de Johann Wolfgang von Goethe par Jean-Baptiste Berthelin pour ArtsLivres




die Wolken sind frei, wer kann sie beschreiben?              Ces deux textes font partie du versant scientifique des écrits de Goethe. Ils témoignent du souci qu'il eut, alors qu'il approchait de soixante-dix ans, de faire retour aux apparences, autrement dit, d'associer à la connaissance objective des choses une connaissance de la perception qu'en ont les observateurs. Cette attitude préfigure l'approche phénoménologique des décennies suivantes. Mais elle n'exclut pas une troisième composante, qui est une recherche d'élégance stylistique allant jusqu'à la composition de poèmes sur les principaux types de nuages, en hommage à Luke Howard qui fut le premier à en donner une classification pertinente, dont les principaux éléments sont le cirrus, le cumulus, le stratus et le nimbus, ainsi que leurs combinaisons.


Afin d'alimenter sa réflexion, Goethe entreprend, au printemps 1820, un voyage d'observation qui dure du 23 avril au 28 mai, dans la région de Carlsbad. Il note chaque jour ses impressions visuelles, ainsi que ses lectures du thermomètre et du baromètre. Puis il en tire une vision globale de la façon dont une forme de nuage peut en donner une autre, et quelques opinions sur la traduction de ces phénomènes en termes d'état de l'atmosphère. La conclusion de ce premier opuscule est versifiée, chose que l'on n'observe pratiquement plus dans les productions scientifiques de notre temps.

Dans le deuxième petit traité qu'il consacre aux mouvements de l'atmosphère, Goethe se livre à un inventaire des phénomènes pouvant intervenir dans une météorologie rationnelle. En premier viennent les lectures du baromètre, avec la difficile question de l'influence qu'a sur lui l'altitude. L'hygromètre, le thermomètre et la girouette font aussi l'objet de remarques judicieuses.

Se pose ensuite la question de la structure globale de l'atmosphère et de ses couches concentriques. Dans un tel milieu, l'eau circule sous plusieurs formes, et constitue la substance des nuages, associée à la mystérieuse électricité. Ce qui fait avancer les nuages en question, c'est le vent ; on en conclut que les nuages sont plus utilisables que les girouettes pour s'informer sur le déplacement de l'air ambiant.

Tous ces éléments sont tributaires des saisons, qui font varier l'ensoleillement, et donc l'évaporation, ainsi bien sûr que de l'alternance entre nuit et jour. L'atmosphère est ainsi vue comme un milieu soumis à des oscillations, et peut-être à une véritable respiration tellurique. Cette dernière expliquerait l'alternance de calme et de grande agitation qui caractérise les états de l'atmosphère, et dont le baromètre, avec sa mesure tantôt haute et tantôt basse, ne donne qu'une faible idée.

Ces deux écrits nous font ressentir la puissance investigatrice de l'esprit goethéen, qui, même lorsqu'il n'a pas toutes les données en main, parvient à théoriser des réalités hautement complexes, tout en conservant les vertus de clarté et d'harmonie scripturales pour lesquelles il est davantage renommé.

Une introduction et des notes explicatives d'Yves Wattenberg situent et éclairent les propos de Goethe. Au total, ces textes procurent un réel plaisir épistémologique et littéraire, chose peu courante de nos jours.