encore un sonnet
Mandelstam voit un lion








Cette intervention prend la forme d'un sonnet.

S'agit-il d'un sonnet nocturne ? Peu importe.

Mandelstam voit un lion

Je me souviens d'un sonnet peu classique.
Marie, d'un lion, fut suivie au désert
Pour un motif bien évident, bien clair :
Le charpentier n'était point tyrannique.

Il a rentré ses griffes horrificques :
Marie lui semble un fruit presque trop vert,
Il n'en veut point pour mettre le couvert,
Lion que nourrit la manne mirificque.

Et cependant, Marie devint si tendre :
Bénédictions sur elle de s'étendre,
Et plus ne fut le désert sablonneux.

Or, ses cheveux à la blonde rousseur
Du jeune lin acquirent la douceur :
Le Seigneur Lion devint son Blasonneux.


       La femme du charpentier

Quand Gabriel a dit : « Marie, tu seras mère »,
Tu compris que ton fils irait à triste mort,
Et tout en acceptant l'inacceptable sort,
Ton coeur versa sur lui des larmes très amères.

Puis tu l'as fait grandir d'une vie de lumière,
Lui montrant qu'on ne doit à nul causer de tort,
Que pour dire le vrai il faut parler bien fort,
Sans trop se montrer tendre à ce corps de poussière.

Puis tu l'as vu marcher sur les humbles sentiers,
Et les prêtres doutaient qu'un fils de charpentier
Ait droit de célébrer les divins sacrifices.

Enfin, parmi la foule, à son exécution,
L'effroi gagnant ton âme en noire perdition,
Tu l'as vu, transpercé, sur les bois de justice.




      Noël

      La céleste harmonie va bientôt résonner,
      Les anges vont jouer leur divine musique
      Et le choeur des bergers se mettre à fredonner
      Les émouvants versets d'un très ancien cantique.

      Au moment de Noël, ce qui nous est donné,
      C'est la lumière dans la longue nuit magique
      Où notre créateur cherche à nous étonner
      D'un miracle subtil, joyeux et poétique.

      Il adopte en ce jour la forme d'un enfant,
      Lui qui pourrait paraître en guerrier triomphant,
      Et se blottit au fond d'une petite étable.

      Et ce que nous faisons, pour le commémorer,
      C'est que nous passerons la nuit à dévorer
      Un solide festin disposé sur nos tables.





***


un hommage à la maternité

Ils disent que Marie s'est envolée au ciel,
Ils n'ont pas bien saisi sa condition de mère.
Son fils a dit « Le grain doit mourir, dans la terre,
Pour accomplir du fruit le sort providentiel ».

Abeille qui produis le beau rayon de miel,
C'est lui que nous mangeons, non ton corps éphémère.
Marie ayant vécu, comme femme ordinaire,
A disparu aussi, sur le plan matériel.

Poètes nous serons, nourris de son sourire
Qui nous apprend à voir le meilleur et le pire
Dans ce monde soumis à d'arbitraires lois.

Le fils du charpentier est le dieu des poètes,
Et maintes qualités qu'aujourd'hui on lui prête,
Notre Dame, Marie, c'est à toi qu'il les doit.