La forme d'un ange
Un ange, c'est vraiment un étrange animal. Autant, par son visage, il nous fait bonne mine, Autant il nous surprend, sitôt qu'on examine Le reste de son corps, qu'il a phénoménal. En plus, on dit qu'il peut siéger au tribunal, Que la gloire de Dieu par sa voix s'illumine, Qu'il est plus fort que Zeus quand son glaive fulmine, Que des divins décrets il se fait le canal. Moi, je le vois plutôt comme un sombre corbeau, Ou comme les vautours qui sont près des tombeaux, Attendant que le mort cesse de se débattre. Même s'il est puissant, il ne sait pas pourquoi, Il est sans libre arbitre, esclave de la loi, Comme une marionnette en son petit théâtre. |
d'un ange et d'un démon
L'on voit deux associés près de chaque animal : Son ange qui lui parle avec dévote mine, Et son démon pervers, une rouge vermine Qui lui montre à plaisir comment on fait le mal. Or donc, chaque vivant abrite un tribunal Où le contre et le pour à loisir se ruminent, De sorte qu'à la fin, l'agir se détermine, Prenant dans le vouloir sa source et son canal. Ainsi, quand le renard dépouille le corbeau, Ou quand le procureur met le christ au tombeau, Un ange et un démon ont eu à en débattre. Quelques lecteurs curieux m'ont demandé pourquoi Ce débat, et non pas une plus simple loi : C'est parce que la vie se joue sur un théâtre. |
une formation
En rêve, j'accomplis un stage pour être ange. Suivre la voie du bien, chaque heure, chaque instant, Surveiller les mortels, auprès d'eux voletant, Contrôler leur boisson, vérifier ce qu'ils mangent, Voir s'ils n'adoptent pas des positions étranges, Surtout, s'ils pensent bien à se brosser les dents, Eviter qu'ils ne soient d'un poison dépendants, Faire que leurs efforts soient dignes de louange... Je n'étais point taillé pour pareille aventure, Et ma mission finit dans la déconfiture ; D'ailleurs, je m'y étais quelque peu attendu. Braves mortels, pécheurs, que le serpent vous garde, Il comprend mieux que moi où vos coeurs se hasardent, Moi qui par vos façons fus toujours confondu. |
une cause non résolue
L'univers décrit par nos saintes écritures Est, semble-t-il, régi par un noble gardien ; Un peu comme un dragon qui veille sur des biens, A lui-même s'étant donné l'investiture. Mais, chacun le constate, observant la nature : Dans le sous-sol ne sont ni dragons, ni sauriens. Or, d'autres vont répondre « Attends, ne changeons rien, Car, de Dieu, le cosmos porte la signature. » A trancher entre nous, ce n'est pas mince affaire, Qui peut-être n'est pas traitable en notre sphère ; Disons pour commencer que nul des deux n'a tort. En faveur du déiste a plaidé l'étincelle De la vie, fulgurante, inimitable et belle. En faveur de l'athée, la noirceur de la mort. |