encore un sonnet
Cochonfucius vu par Stéphane Cattaneo








Cette intervention prend la forme d'un sonnet.

S'agit-il d'un sonnet nocturne ? Peu importe.

Tartuffe au couvent

Si j'étais confesseur des nonnes carmélites,
J'aurais belle chambrette et ne serais stylite.
La loi m'éviterait les travaux affligeants,
L'ascèse difficile et l'effort dérangeant.

Pour que les filles soient sauvées de la géhenne,
Je disséquerais leur conscience arachnéenne.
J'aurais place en leur coeur, sans moi inhabité,
J'adoucirais de pleurs leur cérébralité.

Je placerais ici ou là quelques caresses
Que l'on excuserait comme des maladresses :
L'eau calme d'un couvent n'est jamais sans récifs.

Un confesseur absout même son propre mal,
L'ange ne fait, car il ne veut être animal...
Plaisir que Dieu permet peut-il être nocif ?


* * *


      Notre chair est d'argile

      Ma chair, a dit l'ermite, est une faible argile,
      Mon esprit, la lueur d'un cierge dans le vent.
      Que l'eau tombe du ciel, que vienne l'ouragan,
      Et c'en est fait de moi, tant mon être est fragile.

      Le moine a répondu : « Sous des dehors graciles,
      Ton corps et ton esprit sont fermes, cependant.
      On a vu des mortels, même âgés de cent ans,
      Rester forts et vaillants dans des temps difficiles ».

      Puisque les moines sont une troupe de frères
      Qui en toute occasion s'affirment solidaires,
      Ils ont de l'optimisme et savent l'exprimer.

      L'ermite affronte seul cent démons redoutables
      Qui lui font entrevoir tous ses penchants coupables,
      Il n'a donc pas le coeur à se surestimer.


   un trésor

Lorsqu'un sage transporte un morceau de diamant,
Il le tient enfermé dans une toile grise.
Muni de son trésor, il traverse à sa guise
La ville et le désert, sous le grand firmament.

Roi qui d'une bergère est devenu l'amant
Avec simplicité en berger se déguise
Et sur les hauts plateaux monte affronter la bise,
Gardant royale allure et fier tempérament.

Roi ni sage ne suis, mais simple bateleur,
En chemin n'ai trouvé nul objet de valeur
Et ne fus séducteur de vive pastourelle.

Dans la toile, je n'ai que de quoi grignoter
Avec quelques copains marchant à mes côtés ;
Et je souhaite à ma muse autant de bien pour elle.


* * *


Le commentaire du barde

-- Ermite et moine ont tort de s'affronter en rimes,
Ça ne peut qu'affaiblir leur transcendant regard.
Prenez le sans-issue comme point de départ,
Contemplez-le de près, devenez son intime.

Ne cherchez pas de vers qui telle chose expriment,
Ils auraient des échos indécents, quelque part.
Ne vous dévoilez pas en des dictons hagards,
Allez vers l'intérieur, allez vers le sublime.

Or, le moine et l'ermite ont dans un bel accord
Reproché au rimeur d'agir en esprit fort.
-- Apprends-nous le métier ! Remets-en une couche !

A d'autres assemblées va proposer ton chant ;
De ce lieu si un jour on te voit approchant,
On te demandera de bien taire ta bouche.