Le violon
Dans notre quotidien, les accords du violon Ne nous conduisent pas toujours où nous voulons. J'aime les musiciens, j'aime la poésie, Mais par d'autres valeurs on doit mener sa vie. Du violon, du calcul, l'un, l'autre, c'est selon Que libres nous dansons, ou tout droit nous allons. Et quand par la douleur une âme est affaiblie, D'autant plus par un chant sera-t-elle ravie. Marchant avec patience, un pauvre oiseau blessé Ces durs alexandrins dans son coeur a tressés. Du jour au lendemain plus n'en aura mémoire. Les arbres du chemin déjà portent du vert, La tiédeur du printemps radoucira mes vers, Je crois à la lumière au fond de la nuit noire. |
Une machine
En rêve, j'ai construit une étrange machine Qui ne reposait pas sur la numération. Mes chefs m'ont demandé par quelle aberration Elle fait, malgré tout, des trucs qui se terminent. J'ai dit : « Les composants sont fabriqués en Chine, Ils peuvent supporter des approximations ; Ce qui fait l'essentiel de leur animation, C'est de la sémantique assez subtile, et fine. » Ils ont dit : « Mais pourtant, ton truc ne sert à rien, Il crache des sonnets qui ne riment pas bien, Et même quelquefois, horreur, des villanelles ». J'ai répondu : « Messieurs, laissons du temps au temps, Ces mots que la machine ainsi va tricotant, Un jour, surpasseront nos chansons les plus belles. » |
Venir au monde
Tu veux savoir comment un sonnet vient au monde, Mais je n'ose répondre à ta curiosité ; L'antre peut décevoir, une fois visité, Ainsi que la cuisine, en recettes féconde. Or, si tu insistais pour que je te réponde, Je dirais : « Ça commence, en toute humilité, Par la capture en soi d'un grain de vérité, D'un éclair au miroir ou d'un reflet dans l'onde. Examiner alors comment sera la chute, Dernier vers sur lequel plus d'un rédacteur bute, Mais on est rassuré, une fois qu'on la tient. Et les derniers détails ne sont que babillage Pour donner à cette oeuvre un semblant d'habillage ; Voilà, j'ai terminé, ce sonnet est le tien ». |
Réponse à La Boétie
Étienne, as-tu vraiment cru ta liberté morte ? En amour elle croît, Tiennot, si tu savais ! Cette âme solitaire, ainsi que tu l'avais, Pour cet amour devient et plus grande et plus forte. Tu as doublé ton coeur, Étienne, en quelque sorte, Ainsi t'éprenant d'elle ; et ce n'est pas mauvais. Que voulais-tu lui dire en disant « Je m'en vais » ? Son portrait en fuyant avec toi tu emportes. Au lieu de t'appliquer à des jeux solitaires, Tu partages tes jours, tu n'es plus seul sur terre : Au début, tes amis furent bien étonnés. Ils en sont maintenant satisfaits et joyeux. Profite de ta vie sur terre, parmi eux, Avec ce bel amour que le ciel t'a donné. |