les cinq éléments
-- Si j'avais du métal, je ferais une cage Et le démon aurait du mal à s'en tirer. -- Le bois serait pointu pour mieux le déchirer, Et l'eau peut le noyer de son torrent sauvage. -- Le feu fait détaler au loin ses attelages, Dans ses émanations, il ne peut respirer. -- La terre pour nos yeux se couvre d'un bocage Où chante un bel oiseau qui se laisse admirer. -- Terre qui portes l'herbe à la douceur de laine, De tes dons, chaque jour, nos assiettes sont pleines, Douce est ta compagnie dans la lueur du soir. -- Aux autres éléments soyons pourtant fidèles ; Sur nos meubles de bois, le feu d'une chandelle, Un peu d'eau pour la soif, et le fil du rasoir. |
cosmologie barbare
Les astres vagabonds sont aimés des poètes, Surtout ceux dont le cours va vers un but fatal. Je les vois parcourir les voûtes de cristal Qui servent de barrière et de route aux planètes, Je les vois s'envoler plus loin que des comètes, Se lever à nouveau dans le ciel oriental, S'approcher de Mercure aux fusions de métal Et parcourir enfin une orbite complète. Et mon observatoire est au fond du jardin, Il a un sol de pierre et des murs de rondins, Et l'on ne voit plus rien quand passent les nuages. Mais j'aime être allongé au milieu de la nuit Pour voir l'astéroïde où la vie se poursuit De la plus belle fleur d'un lointain paysage. |
Immortel ou fugace
Notre univers parfois nous force à l'admirer Tant il peut nous donner l'impression d'excellence Et l'illusion qu'un dieu y montre sa présence... ...Que le rasoir d'Occam conduit à retirer. Je comprends que certains puissent la désirer Car ils ne sauraient quoi répondre au grand silence Dont vibre le cosmos sans nulle complaisance, Tel la nef immobile avant de chavirer. Une telle espérance, ils se la croient permise, Sur la bonté suprême ils parient leur chemise. Au moins ça peut en faire un tas de gens joyeux. Moi j'aime cette vie aucunement pérenne, Court chapelet de jours qui trop vite s'égrènent : Et j'aimerais sourire à l'instant des adieux. |
un calendrier farfelu
Je suis né un matin de Sainte-Blanchisseuse, J'ai reçu le baptême à la Saint-Compotier, Puis passé mon brevet au jour de Saint-Potier, Le bac trois ans plus tard pour la Sainte-Tisseuse. J'ai soutenu ma thèse à la Sainte-Emballeuse. J'ai obtenu un poste à la Saint-Cocotier Puis l'habilitation pour Saint-Abricotier, Et je fus chef d'équipe à la Sainte-Fileuse. Je prendrai ma retraite au jour de Saint-Voltaire. Mon livre sortira pour la Saint-Mousquetaire Et sera Prix Goncourt au jour de Saint-Melon. Pour le Nobel je dois attendre Saint-Centaure, Puis je trépasserai à la Saint-Dinosaure Et mon enterrement est pour la Saint-Frelon. |
Retrocurriculum
Je mourus vers le soir, à la Sainte-Graisseuse ; J'en eus les sacrements pour Saint-Limonadier. Se termina mon règne à la Saint-Brigadier Qui avait commencé à Sainte-Paresseuse. Je fus fais chevalier à la Sainte-Poisseuse. J'eus mon habit de cour à la Saint-Charcutier, Car je savais danser depuis la Saint-Luthier, Et lire en un grand livre au jour de Sainte-Osseuse. J'ai reçu mon épée pour Saint-Apollinaire. On m'a versé du vin pour la Saint-Mercenaire. On m'offrit des chevaux à la Saint-Postillon. Je dis mes premiers mots à la Saint-Carnivore. J'eus ma première dent à la Saint-Ellébore. J'étais venu au monde un jour de Saint-Grillon. |
un zodiaque
Qu'as-tu vu dans le ciel, camarade astrologue ? - J'ai vu un gros mouton qui maudissait l'hiver, Puis j'ai vu un taureau qui écrivait en vers, J'ai surpris des jumeaux et capté leur dialogue, J'ai vu un crustacé disant des apologues, J'ai vu un lion prêchant au milieu du désert, J'ai vu la demoiselle usant de mots pervers, J'ai vu une balance ornée d'un décalogue ; J'ai vu un noir scorpion dessiner sur le sable Et j'ai vu un centaure aux flèches redoutables, J'ai vu un capricorne au langage qui ment, J'ai vu un échanson qui dansait sous la lune, Et j'ai vu des poissons qui déchiffraient des runes. - Il faudra nettoyer, un soir, ton instrument. |
Usage des jours
Lire n'est point ce qui me lasse ; C'est ainsi que je me déplace Dans des lieux vraiment étrangers Où tout est autrement rangé. D'autres activités que je brasse, Je les tiens, mais ne les embrasse ; Ce qui de moi est exigé, Je tâche à le rendre léger. En quoi consiste le malheur ? Quel est le sens de la douleur ? Nous l'apprenons, c'est notre vie ; Un jour qui suit un autre jour (Mais cela n'est point pour toujours). Savourons cette poésie ! |