Sobriété
Sur le jardin et sur la cour, Un triste vent d'automne court. Ayant renoncé à l'ivresse, Au morne labeur je m'empresse. Comme un fantôme aveugle et sourd Qui hanterait de vieilles tours, Je vais au hasard et je tresse Ce chant de profonde tristesse. Certes, je tremble dans la brume, Cependant j'avance et j'assume. J'avance sans avoir la foi, J'assume sans trop savoir quoi, Je sens, que nul ne s'en étonne, Un peu de douceur dans l'automne. |
Quatre thèmes Le jardin et la croix, la plume et l'encrier, La salle et le comptoir, les grands auteurs de France : De ces quatre propos mon vers tire substance, Dans ces quatre sections, mes sonnets sont triés. Le jardin est celui qui vit Adam prier, La plume au fil des jours me conduit en errance, La salle est au conteur dans son exubérance, Les auteurs vont cherchant les mots appropriés. Tu dis que j'ai produit quelques vers déchirants Que l'on doit regrouper en un lieu différent, D'amour que refroidit le regard de Saturne ; Il est vrai que jadis ma plume a pu nourrir Cette étrange passion qui naquit pour mourir : Sur ce thème, aujourd'hui, je deviens taciturne. |
Un miroir obscur
Seul le monde du rêve est toujours accueillant, Il donne à nos visions des nuances subtiles. On peut y converser avec de noirs reptiles Ou parcourir le ciel sur un cheval vaillant. L'esprit peut y mûrir, c'est en se dépouillant De tout ce qui le met dans des colères viles. Le corps peut y flâner dans d'éphémères villes Qui reçoivent le feu de mille astres brillants. Il faut en revenir, toujours, au bout du compte ; Le livre refermé sur ce merveilleux conte Doit s'en aller dormir au profond d'un tiroir. Le rêve avec l'éveil jouant à cache-cache Engendre des nuées qui deviennent des taches Sur les sombres écrans nous servant de miroirs. |
Je me souviens des antipodes
Aux confins s'en aller, loin, très loin du plaisir, S'endormir au milieu d'un territoire sombre, S'abriter, se tapir, se laisser rétrécir... Oublier les dangers qui rôdent en grand nombre ; Souvent, j'éprouve en moi la tentation de fuir Et d'aller vivre seul une vie sans encombre, D'ignorer les tourments qui ne font que grandir Pour me blottir, serein, au milieu des décombres. Mais je continuerai, sur la mouvante sphère, De faire tout ce qu'il m'est demandé de faire, Même avec l'impression que je le fais pour rien. D'un monde routinier suis volontaire otage, Je le suis au repos, je le suis en voyage... Que peut-il en sortir ? Ma foi, on verra bien. |